Un «nécrophone» pour fantômes bavards, le rêve de Thomas Edison
Le célèbre inventeur américain a tenté de mettre au point un appareil pour communiquer avec les morts, comme en atteste «Le Royaume de l’Au-delà», dernier chapitre de ses mémoires publié jeudi par Philippe Baudouin aux éditions Jérôme Millon.
« J’ai été très frappé de son intérêt pour la question du seuil entre la vie et la mort », déclare à l’AFP Philippe Baudouin, philosophe de formation et réalisateur de l’émission quotidienne « La Grande Table » sur France Culture.
Edison aurait même conclu un « pacte électrique » avec son collaborateur William Walter Dinwiddie : « ils se seraient promis solennellement que le premier qui viendrait à disparaître tenterait d’envoyer un message au survivant depuis l’au-delà », dit Philippe Baudouin.
Insaisissable
On doit à l’ingénieur et industriel Thomas Edison (1847-1931) la lampe à incandescence, la pile alcaline ou encore le phonographe. La chaise électrique est également née de cet esprit en perpétuelle recherche d’innovation technique.
L’inventeur était aussi obsédé par l’idée d’entrer en contact avec les morts, comme le révèle « Le Royaume de l’Au-delà », dernier chapitre de ses « Mémoires et Observations » publiées pour la première fois aux Etats-Unis des années après sa propre mort, en 1948.
Cette dernière partie avait étrangement disparu des éditions postérieures.
Et si ce texte « au singulier destin » a pu être sauvé de l’oubli, « cela est dû en partie à sa traduction française publiée par Flammarion » en 1949, exhumée aujourd’hui par Philippe Baudouin.
Ce texte met au jour une facette méconnue de Thomas Edison qui se révèle obsédé par « la survie de l’âme » à laquelle il croyait et s’acharnait à vouloir en offrir la preuve grâce à la technique.
A partir de la fin des années 1870, il s’était mis en tête de concevoir une machine que Philippe Baudouin nomme un « nécrophone », pour entrer en communication avec les morts.
Edison s’empare « de façon très singulière de la découverte et de la domestication du phénomène physique incroyable qu’est l’électricité qui va révolutionner l’histoire de l’humanité », explique à l’AFP Philippe Baudouin.
« On trouve Edison au croisement de plusieurs histoires, celle des sciences, celle des techniques et l’histoire des médias, de la question de la communication dans toute son amplitude, et de l’histoire des croyances », poursuit-il.
Edison est d’autant plus « compliqué à saisir » qu’il évolue sur tous ces terrains à la fois.
« Il entre même dans l’univers littéraire en apparaissant dans plusieurs fictions, comme dans «L’Eve future» de Villiers de l’Isle-Adam », souligne Philippe Baudouin.
Pour Edison la réalité flirte avec la fiction, dont la frontière est selon lui toujours extrêmement poreuse.
«Des voix d’un autre genre»
L’ingénieur cherchait, écrivait-il dans ses mémoires, « à fournir aux chercheurs spirites un appareil qui leur permettrait de travailler d’une manière strictement scientifique ».
« Cet épisode méconnu de l’histoire des machines parlantes m’a intéressé, en tant qu’homme de radio », dit Philippe Baudouin en ajoutant que Edison n’avait jamais donné de nom à son engin dont aucun prototype n’a à ce jour été retrouvé.
Edison en mettant à profit les recherches qu’il a menées à partir de la fin des années 1870 autour de l’invention du phonographe et de la possibilité d’amplifier la voix et le son, « imagine pouvoir enregistrer des voix d’un autre genre, de pouvoir rendre audible ce qui ne l’était pas, la voix des morts », précise Philippe Baudouin.
Edison admettait en cela qu’il croyait non seulement aux fantômes mais qu’en plus il les imaginait bavards.
Il rappelait que personne n’était « en mesure de délimiter avec précision le domaine de la vie » et admettait ne pas avoir « encore obtenu de « résultats susceptibles de fournir une preuve définitive » de la « survie de l’âme ».
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