Un bestiaire de la CIA moque les expressions de ses agents

Un bestiaire de la CIA moque les expressions de ses agents
AFP

La célèbre agence américaine d’espionnage CIA a, en 1982, publié un surprenant bestiaire qui moque les lieux communs utilisés par ses propres agents, en associant chaque expression honnie au dessin d’un animal étrange.

« Les anciens agents se souviennent que lorsque le bâtiment du siège (de la CIA) a été construit, des chiens gardaient les couloirs la nuit pour flairer d’éventuels intrus. Mais quasi personne ne se rappelle de cette collection de faune étrange cachée dans un coin du sous-sol », écrivent les auteurs (anonymes comme il se doit) de ce document, déclassifié par l’agence fin juillet.

Représentée par une sorte de hérisson (ou opossum) à deux têtes, « l’analyse multidisciplinaire » (multidisciplinary analysis) ressemble à deux analyses conventionnelles « soudées ensemble », estiment les auteurs. C’est un être « peu soigné », recouvert d’une « substance collante qui permet l’adhésion de matériaux extérieurs ». Elle est le « fruit de l’accouplement décontracté de formes d’analyses classiques », avancent-ils.

Ce « Bestiaire d’écriture du renseignement » (Bestiary of Intelligence Writing) « rassemble des échantillons de clichés ou d’expressions mal ou trop utilisés, que les rédacteurs de la CIA ont souvent rencontrés au fil des ans », précisent les auteurs de ce document, qui avait été publié dans la revue de la CIA « Studies in intelligence ».

Pour Matthew Gault, journaliste du site internet « War is boring », qui a débusqué ce document, ces « 18 pages de gribouillages bizarres et de commentaires sarcastiques sont très étranges ».

« Il a sans doute fallu plusieurs heures pour écrire tout ça et le remettre aux responsables de la CIA. Je me demande si ce n’est pas quelqu’un qui a fait ça de chez lui et a ensuite décidé de le faire circuler au bureau », imagine le journaliste.

Monstres poilus à cornes

Les auteurs du Bestiaire avouent s’inspirer, d’après une note en bas de page, du livre « Un bestiaire politique » rédigé par l’écrivain James Kilpatrick, l’ancien sénateur américain Eugene McCarthy et le dessinateur humoristique Jeff MacNelly, qui dépeint des hommes politiques américains.

Les

Les « tensions accrues » sont incarnées par des oiseaux debout sur une patte unique et très longue, elles prospèrent « grâce à la pauvreté, la malnutrition et surtout l’aliénation », avancent les auteurs de la CIA.

Les bêtes les moins plaisantes sont celles représentant des « situations désespérées », illustrées par des monstres poilus à cornes, armés d’une massue. Elles ont « un appétit vorace et un penchant à piéger ceux qui ne se méfient pas ».

Matthew Gault y voit une forme de « catharsis » des agents de la CIA, qui peuvent ainsi libérer des sensations longtemps refoulées. « Les personnes qui travaillent à la CIA restent des personnes, ce qu’on a tendance à oublier. Ce document montre qu’ils ont un sens de l’humour, même si c’est étrange ».

« Les avenirs prévisibles », illustrés par un gros rat, sont « des animaux dangereux et d’humeur changeante ». Ils se retournent souvent contre leurs maîtres, les soumettant alors à la dérision ou à l’humiliation publique.

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Quant aux « projets voués à l’échec » (nonstarters), incarnés par un hippopotame masqué, ce sont d’éternels optimistes qui se consolent d’être des idées dont l’heure n’est pas encore venue. Mais ce sont souvent des idées recyclées, raillent les auteurs.

La « majorité écrasante » est un être bavard et versatile, qui a une opinion sur tout. Incarnée par un monstre à pattes d’écailles et aux doigts crochus, elle a tendance à être « molle », la plus solide étant la « majorité suffisante », relèvent-ils.

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