Paraguay: un « narco » brésilien aménage sa cellule grand luxe
Trois pièces, salle de réunion, cuisine équipée et écran plasma: au coeur d’une des prisons les plus surpeuplées du Paraguay, un narcotrafiquant brésilien, fan de Pablo Escobar, vivait dans l’opulence.
La découverte mardi d’une puissante bombe dans l’enceinte du centre pénitentiaire de Tacumbu à Asuncion, la capitale, a mis au grand jour les avantages dont bénéficiait Jarvis Chimenes Pavao depuis 2009, avec la complicité de hauts fonctionnaires.
« Six ou sept ministres de la Justice et six ou sept directeurs (de la prison) » ont profité de ses largesses, affirme à la presse Laura Acasuso, son avocate, lors d’une visite organisée.
Dans cette « cellule VIP », comme on l’appelle, trône au milieu de la bibliothèque du trafiquant l’intégralité d’une série TV sur son idole: Pablo Escobar, le célèbre baron de la drogue colombien, abattu par la police en décembre 1993, a constaté l’AFP.
« La cellule de M. Chimenes Pavao, nous allons la démolir et nous allons prendre des mesures contre les directeurs qui ont autorisé ces privilèges pour ce condamné », a déclaré le tout nouveau ministre de la Justice Ever Martinez, qui a pris ses fonctions jeudi. Sa prédécesseure, Carla Bacigalupo, a été destituée à la suite de cette affaire.
Parmi les quelque 3.500 détenus, soit le double de la capacité, nombreux sont ceux qui regrettent déjà le Brésilien, condamné à 8 ans de prison pour blanchiment d’argent et dont le Brésil, où il est recherché pour trafic de drogue, demande l’extradition.
– Visites, portable et internet –
Chimenes Pavao, considéré comme un des « narcos » les plus dangereux de la région, est accusé d’être à l’origine de l’assassinat du chef d’entreprise Jorge Rafaat, en juin à la frontière avec le Brésil, haut lieu des trafics en tous genres.
Le Brésilien a, depuis la découverte du scandale, été transféré dans la caserne des forces spéciales du Paraguay.
« Je ne sais pas ce que nous allons devenir sans lui », déplore un de ses codétenus qui veut rester anonyme. Ce dernier affirme que Chimenes Pavao se montrait généreux et donnait des fonds pour arranger le terrain de football et la chapelle de la prison, de même qu’il payait pour sa sécurité.
Car, explique Josieux, un autre détenu brésilien, dans cet établissement, « on vit dans la misère ».
« C’était l’homme le plus aimé de la prison », confie Antonio Gonzalez, un troisième condamné.
« Il (Chimenes Pavao) n’a jamais dit qu’il était un saint, mais il purgeait sa peine et participait avec de l’argent gagné légalement à travers ses entreprises », a expliqué son avocate.
Selon elle, le trafiquant, qui « compte 1.200 employés », a notamment participé financièrement à la construction des logements pour les directeurs de la prison, les toilettes pour les gardiens, la rénovation de la bibliothèque, et versait même le salaire des cuisiniers.
Comme dans la plupart des prisons latino-américaines, à Tacumbu, des prisonniers dorment sur des cartons à même le sol, dans le froid, ne mangent pas à leur faim et les mutineries sont monnaie courante. « Deux détenus sont morts de faim et de froid » en juin, assure l’autre détenu brésilien, Josieux.La cellule du baron de la drogue brésilien Jarvis Chimenes Pavao, photographié le 28 juillet 2016 dans le centre pénitentiaire de Tacumbu à Asuncion
Mais pas dans le pavillon très exclusif du « narco » brésilien, où les détenus fortunés qui voulaient y être transférés devaient s’acquitter de 5.000 dollars (4.500 euros) et d’une cotisation hebdomadaire de 600 dollars (540 euros), a déclaré à la télévision un ancien condamné, l’ingénieur Osvaldo Arias.
En échange, ils avaient le droit à des visites à toute heure, à l’utilisation du portable et l’accès à internet.
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