Nicole la Nordiste, indétrônable reine du décorticage de crevettes grises
Décortiquer le plus de crevettes en dix minutes : pour ce 10e championnat du monde « loufoque » mais très réglementé organisé à Leffrinckoucke (Nord), avec 141 grammes, la locale Nicole Vanzinghel a encore surclassé dimanche ses 119 concurrents et remporté une huitième médaille d’or consécutive.
« C’est bon, c’est passé », souffle, soulagée, l’octuple championne du monde de décorticage de crevettes grises, une fille de pêcheurs née à Leffrinckoucke, après avoir chanté de bon coeur « La Marseillaise » et reçu sa nouvelle médaille sur le podium installé sous le chapiteau bordant la plage.
Star locale depuis qu’elle a établi à deux reprises le record de la compétition, avec 186 grammes épluchés, Nicole Vanzinghel était une nouvelle fois ultra favorite.
« Ils essayent de m’éliminer. Si je suis détrônée, c’est pas grave », lançait-elle avant le coup de feu signalant le top départ. Son avantage ? « On va dire le doigté. Il faut être rapide, en vouloir », explique celle qui participe également à des concours d’épluchage de pommes de terre et aime « se surpasser ».
« Coachée » par son mari, Patrice, l’indétrônable championne observe ses concurrents, principalement des nordistes, mais aussi des Belges, des Néerlandais, un Marocain, deux Russes, une Espagnole, etc., qui conférent à la compétition son caractère « international », comme aime à le répéter le maire EELV, Bernard Weisbecker, qui a lancé en 2005 cette olympiade pour départager « les copains qui disaient que leur mère, leur belle-mère ou leur grand-père épluchait le plus rapidement les crevettes ».
« C’est des bons scores, plus d’un verre c’est un bon score. Mais je ne suis pas inquiète, je reste cool », assure Nicole, après le passage des 40 premiers compétiteurs, un regard entendu adressé à son mari.
Pêcheur de crevettes de la région, José Déhaese, participe aussi à la compétition : « Mon meilleur score, c’est 12e, mais on n’était que 18, c’était la première édition. Je le fais pour le fun, entre amis. On ne vise pas la première place », dit-il.
– « Allez mamie » –
Pour cette série de premiers compétiteurs, les dix minutes sont écoulées, d’après le « chronométreur officiel ». Dans le public, massé derrière des barrières, une pancarte « Allez mamie » se baisse. « On lève les mains », tonne le speaker au micro. Les assesseurs, qui « veillent à la triche », emmènent les verres numérotés remplis de crevettes jusqu’au jury pour la pesée.
« Il y a une bonne ambiance, mais c’est toujours la même personne qui gagne. (Nicole) ne devrait pas être classée. Elle s’entraîne, les autres n’ont aucune chance », soupire Edie Caballero, dont le meilleur classement en dix participations est 33e.
« Certaines personnes voudraient qu’elle soit hors concours, mais ce n’est pas possible. Le championnat, ça a un but festif et convivial, mais c’est organisé sérieusement. Nos amis hollandais se sont réveillés et ont dépêché l’une de leurs meilleures compétitrices. L’écart s’est resserré l’an dernier », tranche le maire.
Deuxième en 2013, la championne des Pays-Bas, Willemien Elsman, « a un peu changé (sa) technique pour gagner cette année ». « A la maison, j’ai fait 200 grammes », souligne, confiante, l’outsider de la compétition.
La tension monte sous le chapiteau, les derniers concurrents sont appelés sur l’estrade. Après s’être échauffé les doigts, Nicole Vanzinghel revêt sous son écharpe tricolore son maillot de championne, son nom inscrit à l’arrière, et sept crevettes – comme autant de titres déjà gagnés – dessinées à l’avant, prend une grande respiration et rejoint sa place, à côté de son adversaire batave.
Top départ. Les mains tremblantes et le regard concentré, son pied battant la mesure de la chanson « Les Sardines » de Patrick Sébastien, la championne décortique une à une les crevettes d’un coup de poignet expert.
Peu après, le verdict tombe : 141 grammes, loin des 177 de la précédente édition et de son record, mais « les crevettes étaient un peu trop humides, c’est plus difficile », constate Nicole, en donnant rendez-vous « l’an prochain ».
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