Mickaël Lechantre, le marcheur aux pieds nus, militant du «sans chaussures»

Mickaël Lechantre, le marcheur aux pieds nus, militant du «sans chaussures»
AFP

Il revendique le droit de marcher pieds nus et sans entrave partout où il va : Mickaël Lechantre, 33 ans, professeur de danse de Strasbourg, défend même devant les tribunaux le droit d’entrer non chaussé dans des lieux publics, comme la citadelle de Besançon.

Un mètre 91, barbe et cheveux noirs jusqu’aux épaules, et surtout une corne de pied de 5 mm, l’homme promène depuis 10 ans ses pieds dans le plus simple appareil, été comme hiver, vêtu le plus souvent d’une robe, comme le font les adeptes du « bare-footing » ou les pèlerins du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

« Je ne sais même pas si j’ai encore une paire de chaussures chez moi », déclare à l’AFP ce « refuznik » du pied fermé avant de se faufiler, pieds nus, dans une rame bondée du tramway de Strasbourg.

Avec le temps, il a appris à vivre avec les regards des curieux, mais aussi avec la crainte de se voir refuser l’entrée des lieux publics, commerce, administration, monument ou parc.

Mickaël Lechantre s’est fait connaître par une démarche singulière: il a porté plainte contre la citadelle bisontine qui par règlement lui refuse l’accès au lieu sans chaussures ou équipement de protection.

En avril, le tribunal a rejeté sa plainte, jugeant que cette interdiction visait « le respect des règles de sécurité, d’hygiène et de civilité ». Le marcheur se dit victime d’un « interdit aberrant » et dénonce un jugement « protecteur » et « paternaliste ».

Il a fait appel de cette décision et se dit prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme.

5 mm de corne

Il y a cet « argument de l’hygiène » et « cette image derrière les gens pieds nus. A chaque fois je sors mon blabla habituel », pourtant « les pieds nus ne sont pas plus sales que des chaussures ».

« Avec des pieds presque aussi précis que des mains », Mickaël Lechantre regarde à peine le sol quand il marche. Il se réjouit d’être l’un des rares à ressentir si un trottoir encore chaud était au soleil quelques heures auparavant.

« Si j’ai un bout de verre, je l’attrape avec ça », explique-t-il assis sur un banc du campus de l’université en sortant de sa sacoche un couteau suisse avec lequel il extrait sur-le-champ les objets coupants et les échardes.

« J’ai une corne qui fait un bon 5 mm. En général, quand je marche sur un bout de verre, c’est le verre qui casse », dit-il en donnant de vigoureux coups de lame dans l’épaisse corne jaunie, mais élastique, de ses pieds qui rebondit sans céder.

Mickaël Lechantre défend même devant les tribunaux le droit d'entrer non chaussé dans des lieux publics, à Strasbourg le 14 avril 2016

En été, cet ancien Bisontin né à Nancy arpente des sentiers dans les Pyrénées ou le Massif central, autrement plus dangereux que ceux de la Citadelle de Besançon.

Et s’il se blesse, son « premier réflexe » est d’attraper des plantes. « Pour absorber les bactéries, c’est suffisant », répond cet ancien ingénieur en informatique qui s’est formé en herboristerie.

« Sa demande est réfléchie et n’a rien de farfelu », estime Colette Riehl, doctorante en ethnologie à l’université de Strasbourg. « Dans le contexte de la mondialisation, sans doute avons-nous à réapprendre des comportements naturels que nous avons perdus », explique cette universitaire qui a cosigné un ouvrage sur une ethnie de marcheurs pieds nus, celle des Amérindiens Teko de Guyane.

« L’homme n’est pas né avec des chaussures, il est naturellement fait pour marcher pieds nus », reconnaît aussi Djamel Bouhabib, président de l’Union française pour la santé du pied (UFSP).

Marcher pieds nus « est bon, mais il faut un apprentissage, car le pied a perdu sa capacité naturelle à trouver des sensations et à fabriquer de la corne », souligne le podologue.

En France, 65% de la population déclarait en 2015 avoir des douleurs aux pieds.

Bénévole dans une association, Mickaël Lechantre est également un danseur passionné. A Strasbourg, on peut le voir lors de bals sauvages, pieds et orteils à découvert, se laisser porter sur des airs de musique traditionnelle irlandaise ou turque.

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