Le derby de démolition, les auto-tamponneuses américaines grandeur nature
Il y avait 80 voitures inscrites au derby de démolition de la foire du comté de Cambria, jeudi dans la petite ville d’Ebensburg en plein coeur de la Pennsylvanie. A la fin, il ne restait que deux gagnants… et 80 épaves.
Dans ce sport emblématique de l’Amérique profonde, il s’agit de détruire les voitures de ses adversaires dans un pugilat mécanique assourdissant, au milieu des pare-chocs qui volent et des radiateurs qui explosent.
Plus de 4.000 personnes ont payé huit dollars jeudi pour assister, depuis des gradins, au « demolition derby » de la foire du comté de Cambria.
Il n’y a presque pas de règles.
A chaque manche, sept ou huit voitures s’alignent de chaque côté d’un rectangle de terre d’une centaine de mètres de longueur. Au coup d’envoi, elles démarrent en marche arrière, le plus vite possible, pour percuter les voitures qui accélèrent en sens inverse. Ce sont les premiers de dizaines de chocs à venir, les plus effroyables, ceux qui déclenchent les « oh! » et les « ah! » dans les tribunes.
Chaque chauffeur doit impérativement attacher sa ceinture et porter un casque. Ils n’ont pas le droit de renforcer leurs voitures, des carcasses récupérées dans une casse ou rachetées quelques centaines de dollars puis vidées de leur intérieur et réparées. Le capot est attaché avec des chaînes pour qu’il reste arrimé.
Il est interdit de défoncer la portière du chauffeur. Le reste est de bonne guerre.
– Coups de boutoir –
« Le plus grand défi est de garder la voiture en un seul morceau », dit Jordan Storm, 20 ans, opérateur d’engins dans le civil, dont la pompe à carburant a hélas lâché.
Les pare-chocs sautent en premier. Puis les pneus crèvent. Les moteurs finissent par émettre une fumée blanche. Un ou deux prennent feu; un officiel de course gèle alors la course et la dizaine de pompiers en tenue interviennent tranquillement avec des extincteurs. La bagarre reprend.
Le meilleur moment de la soirée pour Jordan: « Je suis rentré dans un type tellement fort qu’il a fini sur mon capot et son pneu s’est retrouvé à quelques centimètres de mon volant », dit-il, encore frémissant d’adrénaline. « Ça m’a bien plu ».
Les unes après les autres, les guimbardes éventrées s’échouent au milieu de la boue… jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que deux. Ces bagnoles survivantes halètent, à bout de souffle après un quart d’heure de « boum » et de « bang ».
L’arrière de l’un des deux finalistes de jeudi, « 1/2 Nutz », traîne dans la boue: ses roues arrière ont crevé et la suspension est brisée depuis belle lurette.
Le train avant de son adversaire « Moo » se dessine dans son arrière douloureusement embouti des dizaines de fois.
Enfin, pendant de terribles secondes, le pilote de « 1/2 Nutz » s’immobilise: on entend le cliquetis désespéré de l’allumage, mais il n’arrive pas à remettre le contact. « Moo » pendant ce temps le tamponne péniblement. Une minute passe, le temps réglementaire au bout duquel il faut avoir frappé pour éviter l’élimination.
La Ford Contour 2001 de « Moo » l’emporte enfin. Cerise sur le gâteau, on découvre quand elle enlève son casque que « Moo » est une femme, Amy Chesney, 44 ans.
« C’est qu’une question de stratégie », explique Amy, qui à 6 heures du matin le lendemain retournera coudre des chaussures dans une usine du coin.
L’un des officiels de course, John Pratt, arbitre des derbys depuis 25 ans en Pennsylvanie, en Virginie occidentale et dans le Maryland. Avec 80 voitures, c’était jeudi la plus grosse compétition de sa saison. Certaines courses sont pour des catégories de voitures plus lourdes, d’autres pour des minivans.
Mais cet ancien pompier volontaire est nostalgique du temps où les chauffeurs étaient moins stratégiques.
« Ils tournent autour du pot ce soir », lâche-t-il en se rappelant ces derbys où la plupart des voitures étaient hors service au bout d’à peine une minute.
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