Et votre placenta, vous le voulez comment ? Cru ou en gélules ?

Et votre placenta, vous le voulez comment ? Cru ou en gélules ?
AFP

A première vue, le plat semble peu appétissant. Mais loin d’être rebutées, un nombre croissant de mères américaines – quoique très limité – mangent leur placenta après l’accouchement pour, espèrent-elles, augmenter leur production de lait ou encore réduire le baby blues.

D’ordinaire, le placenta qui pendant 40 semaines nourrit le foetus, finit dans la poubelle de l’hôpital ou dans des laboratoires, mais la pratique de le manger, appelée la « placentophagie », attire de jeunes mères encouragées par des sages-femmes qui en louent les vertus curatives.

Le placenta, un amas de tissus spongieux et très vascularisés qui nourrit le futur bébé, via le cordon ombilical, est riche en hormones et nutriments, affirment-elles.

Catherine raconte ainsi s’être enfermée dans la salle de bain trois heures après son accouchement pour détailler son placenta en gros cubes qu’elle a broyé avec du lait d’amande, du miel et des myrtilles « pour couvrir le goût », avant de congeler le reste.

D’autres le cuisent au four et préparent des lasagnes, des tacos ou font encore des truffes au chocolat.

La sage-femme Claudia Booker fabrique des gélules à partir de placenta, le 9 février 2015 à Washington

« Cela m’avait paru une bonne idée puisque j’ai tendance à oublier mes vitamines, ce qui n’est pas le cas avec le chocolat! », plaisante Melissa, une mère de trois enfants dans le Maryland (est).

Mais la majorité le consomme en gélules.

Pour 270 dollars, Claudia Booker, une sage-femme de 65 ans aux cheveux rasés et aux oreilles tatouées, met en capsule après l’avoir desséché, le placenta de ses patientes qui, quand elle ne peut se déplacer, le déposent sur le pas de sa porte dans une cantine réfrigérée.

Odeur de sang chaud

Depuis six ans, son idée est d’aider certaines femmes à traverser cette période où, quelques jours après l’accouchement, elles se sentent « comme des machines usées ».

« Les capsules stimulent la libération de prolactine responsable de la production de lait », affirme Claudia Booker, tout en préparant un placenta dans l’évier de sa cuisine à Washington.

Elle le nettoie, le presse pour en faire sortir le maximum de sang puis le dispose dans un simple panier vapeur, comme le lui a appris un acupuncteur spécialisé en médecine chinoise.

Lors de cette période où les mères peuvent ressentir une extrême fatigue, voire une dépression, ces capsules « participent à la stabilisation des niveaux sanguins et hormonaux », ajoute-t-elle alors que sa maison s’emplit d’une forte odeur de sang cuit. « C’est une des pièces du puzzle qui permet de traverser ces montagnes russes de manière plus sereine ».

Après une heure de cuisson, elle coupe le placenta en tranches qu’elle place dans un déshydrateur alimentaire pendant une nuit. Puis elle moud les bandes desséchées dans un moulin à café et avec la poudre brunâtre obtenue, emplit des dizaines de gélules.

Ces morceaux déshydratés de placenta vont être transformés en gélules

Si la science reconnaît les bienfaits hormonaux et nutritifs du placenta in utero, il n’existe aucune étude scientifique aboutie sur les bienfaits de la placentophagie chez les humains, affirme Daniel Benyshek, un anthropologue de la santé à l’université du Nevada (ouest). De même, aucun chiffre officiel ne circule sur le nombre d’adeptes de cette pratique née dans les années 1970 aux Etats-Unis.

Vertus antidouleur

Des études du début du XXe siècle, une autre dans les années 1950 ont mis en avant les bénéfices de l’ingestion du placenta sur la production et la qualité du lait maternel mais leurs protocoles n’étaient pas assez rigoureux, fait-il valoir.

Il souligne également la haute teneur en fer du placenta préparé qui peut s’avérer être une arme importante contre la fatigue et la dépression post-natale.

De fait, de nombreux témoignages portent aux nues cette pratique, avance-t-il. Selon un sondage qu’il a réalisé en 2013, 98% des 189 femmes interrogées, des Américaines mariées, blanches et éduquées, ont jugé l’expérience « positive ».

Le psychologue Mark Kristal de l’université de Buffalo (nord-est), explique-t-il, en a également démontré les vertus antidouleur chez la souris, à l’instar de nombreux mammifères qui le consomment juste après la naissance de leurs petits.

Daniel Benyshek publiera cet été ce qu’il affirme être la première véritable étude scientifique, réalisée auprès de trente femmes.

Pour son troisième enfant, Laura Ransom, qui habite à Las Vegas, a tenté l’expérience. Elle affirme que les capsules lui ont permis de mener de front un déménagement, un nouveau métier pour son mari et une famille nombreuse. « Elles m’ont donné de l’énergie, ont modéré mes sautes d’humeur et une fois finies, j’ai eu des crises de larmes et je suis passée par une dépression ».

Il est difficile d’en mesurer les bénéfices réels, nuance Melissa: « Mais pour mon deuxième je n’ai pas eu de dépression post-partum, ce qui ne veut pas dire que j’en aurais eue si je n’en avais pas pris ».

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