Dix milliards d’années pour lire la plus longue «preuve mathématique», présentée à Bordeaux
Il faudrait 10 milliards d’années à un être humain pour la lire, ils n’étaient que trois pour la produire : la plus longue « preuve mathématique » jamais construite à ce jour pour résoudre un problème a été présentée vendredi à Bordeaux, a-t-on appris auprès du CNRS.
La « bicoloration des triplets de Pythagore » n’est pas une maladie honteuse mais un problème qui taraude les chercheurs en mathématiques depuis 35 ans. Vendredi matin, à la conférence internationale « SAT 2016 » organisée à Bordeaux, trois informaticiens américano-britanniques ont enfin pu y répondre, grâce à un algorithme de conception française et à la puissance d’un supercalculateur.
Le résultat? Une « preuve » d’une taille équivalente à « tous les textes numérisés détenus par la bibliothèque américaine du Congrès », 200 téraoctets, soit 200.000 milliards d’octets (unité de base de la mémoire informatique), précise le journal du CNRS dans un article consacré à cette performance. A titre de comparaison, le record précédent, établi en 2014, plafonnait à 13 milliards d’octets.
L’énoncé du problème est considéré comme « simple » par les mathématiciens: « est-il possible de colorier chaque entier positif (1, 2, 3, 4, 5…, NDLR) en bleu ou en rouge de telle manière qu’aucun triplet (groupe de trois éléments) d’entiers a, b et c qui satisfait la fameuse équation de Pythagore a2+b2=c2 soient tous de la même couleur? ». Autrement dit, pour le triplet 3, 4 et 5, si 3 et 5 sont bleus, alors 4 doit être rouge, et ainsi de suite…
« A cette énigme, le trio d’informaticiens a répondu +non+ », il est possible de colorier ainsi les entiers jusqu’à 7.824, mais pas au-delà, explique Laurent Simon, du Laboratoire bordelais de recherche en informatique (Labri, Université de Bordeaux/CNRS). Une réponse hors d’atteinte pour un humain, puisqu’il existe plus de « 10 puissance 2.300 façons de colorier ces nombres jusqu’à 7.825! », précise le chercheur, à l’origine de l’algorithme qui a permis ce nouveau record.
Pour y parvenir, Marijn Heule (Université du Texas à Austin), Oliver Kullmann (Université de Swansea) et Victor Marek (Université du Kentucky à Lexington), ont rusé en utilisant diverses techniques afin de réduire les possibilités à 1.000 milliards, puis les ont traitées par « paquets ».
Il n’aura ensuite fallu que deux jours au supercalculateur Stampede de l’Université du Texas pour les passer en revue et apporter la preuve manquante depuis 35 ans.
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