De vieux oliviers andalous en exil dans la froide campagne allemande
Importés d’Espagne, de vieux oliviers sont replantés dans des jardins d’Allemands en quête d’un coin de Méditerranée. Mais dans ces froides contrées, les arbres pluricentenaires ne survivent que grâce à des chauffages. De quoi laisser les spécialistes dubitatifs.
Certains de ces oliviers ont connu la conquête du Nouveau monde, les Lumières et la Guerre d’Espagne, les plus terribles sécheresses et tous les parasites des derniers siècles. Mais jamais encore ils ne s’étaient retrouvés hélitreuillés, leurs racines dans des sacs en plastique noir à des dizaines de mètres de hauteur.
Il y a bien longtemps qu’ils ont cessé de produire des olives, ces vieux arbres qui ressemblent à des sculptures torturées. Venus d’Andalousie, ces « sages » de 300, 500 ans ou même parfois millénaire, s’apprêtent donc à entamer une nouvelle vie dans des jardins allemands, un monde propret de massifs de roses et de géraniums soignés où l’on tond sa pelouse le samedi. Loin, très loin des plis et replis des paysages arides de l’Europe du sud.
Ces oliviers qui peuvent afficher jusqu’à 5 tonnes et demi sur la balance sont replantés grâce à l’intervention d’une grue ou d’un hélicoptère quand le terrain est trop difficile d’accès.
« Je n’ai plus besoin de monter dans un avion, je peux rester chez moi et profiter de mes oliviers. C’est moins polluant pour la planète ! », assure à l’AFP Karl Heinz Maier, heureux propriétaire de deux spécimens à Willsbach, un village viticole au nord de Stuttgart (sud).
Avec ses 400 ans au compteur, l’un garde désormais l’entrée de la villa cossue de M. Maier où cet olivier jouit désormais d’un statut exceptionnel: la nuit venue, des spots de lumière éclairent de mille feux sa toison de feuilles argentées…
Son compagnon d’exil, un « jeune » de 120 ans, a, lui, trouvé place au milieu d’un jardin surréaliste en Allemagne: entre un bananier, des citronniers et des orangers, qu’on s’empresse de mettre au chaud dès la saison des barbecues terminée.
« C’est un magnifique gaillard ! », s’enthousiasme Torsten Jablonski, en caressant le tronc noueux de cet arbre qu’il a vendu à M. Maier.
– Doudoune et chauffage –
Chaque année, cet entrepreneur de Löwenstein, dans la région de Stuttgart, importe des centaines d’oliviers qu’il revend à des particuliers souvent fortunés dans toute l’Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou en Suisse.
« Ce sont des arbres extrêmement robustes qui ne craignent pas du tout le transport », assure cet ancien maître d’hôtel.
En revanche l’olivier, bien qu’il soit un symbole de longévité, tient les grands froids en horreur. Il peut même en mourir. Or en hiver sa terre d’exil offre des paysages maculés de blanc.
« Jusqu’à -10 degrés, il n’y a aucun problème pour l’olivier mais au-delà de -15, il a du mal à résister », explique Olivier Nasles, président de l’Afidol (Association interprofessionnelle de l’olive) basée à Aix-en-Provence (sud de la France).
Du coup les oliviers allemands sont emmitouflés dans une « doudoune » équipée d’un chauffage. Empaquetés sous un toile en plastique épaisse et un matelas de fibres, les arbres sont chauffés avec un appareil de « 30 watts » en forme de spirale, détaille M. Jablonski.
– ‘Escroquerie’ –
Il assure que depuis qu’il a trouvé cette solution, aucun des 800 oliviers qu’il a replantés en Allemagne n’est mort de froid.
Mais pour M. Nasles toute cette démarche est une offense à la raison. « C’est un peu comme si vous me disiez +j’essaie de déplacer ma grand-mère et de la réinstaller à 3.000 km de chez elle+. Votre grand-mère ne supportera pas cette réinstallation », tonne-t-il.
Il dénonce même « une escroquerie ». « Il y a quelques petits malins qui se font de l’argent avec cette affaire », assure-t-il.
Un très vieil olivier espagnol peut coûter jusqu’à 20.000 euros. Mais, assure Torsten Jablonski, « pour certains de mes clients, c’est un véritable objet saint » qu’ils bichonnent comme un enfant.
Mais quand l’amour s’en mêle, ça peut vite dégénérer. Une femme s’est ainsi vengée sur l’olivier de son époux dont elle venait de se séparer : « en plein hiver, elle est partie avec le chauffage », raconte M. Jablonski.
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