Brésil: le métro de Rio au rythme du funk des favelas
« Voilà la culture des favelas! », clame dans une station de métro de Rio de Janeiro un DJ qui enchaîne les musiques des « battles » (batailles) que se livrent danseurs de funk et coiffeurs, icônes modernes de ces quartiers populaires.
Plusieurs groupes de danseurs s’affrontent pendant trois jours, jusqu’à samedi, pour tenter de décrocher une place pour un gigantesque bal funk organisé le 13 septembre dans le cadre des 450 ans de la ville, siège des jeux Olympiques en 2016.
Les coiffeurs tenteront eux de remporter le prestigieux trophée de la coupe la plus originale. La plus demandée est la « coupe Jaca », née dans la favela Jacarezinho, où les côtés de la tête et la nuque sont rasés ou dégradés. Elle inclut un dessin sculpté dans le cheveux ras et est devenue le symbole de l’identité des jeunes des favelas.
Aux premiers rythmes saccadés, Amanda, 15 ans, cheveux blonds peroxydés, se lance dans les figures acrobatiques et frénétiques du « passinho », un mélange de hip hop et de free step américains et de danses brésiliennes comme la samba et le frevo.
Un rectangle entouré de cordes a été délimité comme espace de danse dans le vaste hall arrondi de la station de métro Carioca, au coeur de Rio.
« Ca me calme dans ce milieu violent qu’est la favela. Cela occupe les jeunes et les empêche de faire des bêtises dans la rue », confie Amanda à l’AFP à l’issue de cinq minutes de prouesses.
Avec sa soeur jumelle, elles sont les seules filles d’un groupe de 10 danseurs de Manguinhos, une favela de la banlieue nord, qui va « défier » les 10 danseurs d’une autre favela de la « ville merveilleuse ».
Le passinho et la coiffure sont certes devenus des outils d’insertion sociale, créant du travail et une perspective d’avenir pour les jeunes. Mais comme la plupart des habitants des favelas, danseurs et coiffeurs ne donnent que leur prénom ou pseudonyme à l’AFP, craignant des représailles des trafiquants de drogue ou miliciens qui y vivent et font souvent la loi.
Un peu plus loin, dans un autre espace délimité, une trentaine de coiffeurs s’affrontent pour faire une coupe de cheveux originale à leur modèle.
– « Comme la samba » –
Mateus Aragao, organisateur de l’événement « Parade funk » en partenariat avec le métro de Rio, explique à l’AFP que le « passinho » a dépassé les limites des favelas.
Aujourd’hui, les danseurs participent à des concours où ils s’affrontent et sont invités sur les plateaux de télévision, et leur discipline commence à attirer les jeunes des classes aisées.
« Le funk, c’est la culture des banlieues de Rio qui mobilise des millions de jeunes. Il a été discriminé et interdit comme la samba au début. Mais il est venu pour rester », affirme Aragao.
En 2008, pour assurer la sécurité du Mondial de foot 2014 et des JO 2016, les autorités avaient « pacifié » des centaines de favelas en y implantant des unités de police de proximité. Les bals funk avaient alors été interdits, sous prétexte qu’ils faisaient l’apologie du trafic de drogue.
Dans le métro, deux touristes français, Pauline Roux, 25 ans, et Mathias Bozoni, 24 ans, sont emballés par le spectacle.
« La danse est impressionnante et le concept de mettre en valeur ces jeunes des favelas est très intéressant », estime Pauline. « Ces fêtes dans un lieu de transport, c’est super! Cette danse n’a rien à envier au hip hop américain », enchaîne Mathias.
La compétition des coiffeurs dure plus longtemps, car on leur accorde 40 minutes pour faire une coupe avec un rasoir ou une simple lame.
Certains coiffeurs font simple: Douglas, 17 ans, a servi de modèle à un ami qui lui a fait la « Coupe américaine » – similaire à celle d’un soldat.
D’autres sont de vrais artistes. Saulo, 26 ans, est l’une des vedettes de la compétition. Il s’apprête « à dessiner sur le haut de la tête (de son modèle) une tête de femme à la bouche cousue », explique-t-il à l’AFP.
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