A Uzès, une cérémonie pour bénir la truffe noire
Une magnifique truffe noire de 650 g a reçu dimanche la bénédiction du curé de la cathédrale d’Uzès (Gard), une commune qui veut devenir la capitale française de ce plaisir gourmand incomparable.
C’est une cérémonie inventée pour relancer le tourisme hivernal il y a dix ans et devenue désormais une tradition: chaque troisième dimanche de janvier, la Compagnie bachique, confrérie du vin de la cité ducal, toge grise avec turban gris et bordeaux, s’avance religieusement, en procession, portant une « Tuber Melanosporum » ou truffe du Périgord et un plant truffier (chêne).
« Ces jours-ci sont dédiés à la truffe, nous sommes heureux de rendre grâce au Seigneur pour ces fruits de la terre », a béni le père Roger Carrara dans une prière. Elle est suivie d’une quête au cours de laquelle des trufficulteurs mettent dans la corbeille le fruit de leur travail. Cette fois ce sont 575 g de truffes qui, aux enchères, ont rapporté 1.620€ (+150€ pour un plant) à une association contre le cancer du sein.
A Uzès, où le maire UDI Jean-Luc Chapon veut s’appuyer sur le nouveau et unique label pour la truffe – à partir de mars – de « site remarquable du goût » pour s’imposer nationalement, la journée avait commencé tôt. A 7H00, sur la place aux herbes, ils étaient 38, professionnels ou amateurs éclairés, à faire la queue devant les contrôleurs de la qualité des diamants noirs.
Après des semaines de travail et d’attente, la tension était palpable. Mais les vérificateurs n’ont pas eu d’état d’âme: ils ont examiné, « canifé » (vérifier la maturité) les truffes, mettant celles qui avaient un défaut dans un sachet à récupérer le soir.
« La force de ce marché aux particuliers, le plus important de France avec Rognes (Bouches du Rhône) c’est que le consommateur est sûr de trouver du premier choix », a justifié le président de la Fédération française de truffes (FFT) Michel Tournayre. Et pas question de frauder. La sanction est sans appel: « Exclusion à vie ». Huit aigrefins ont subi ce bannissement depuis la création, il y a 22 ans, de ce marché.
– Diversification –
Au total, sur 173 kilos apportés, 140 kilos ont été accepté. Prix 750 à 800 euros le kilos. « La différence, ce sera pour ma consommation personnelle », s’est consolé Laurent Soumaille, trufficulteur le jour et pizzaiolo la nuit à Bandol (Var). Lui a perdu 865 g sur 2,7 kilos. Qu’il ne mettra pas sur ses pizzas: « Ce serait du gâchis ».
« Je vais les manger », a assuré aussi Victor Carmindi, un retraité du BTP de Saint-Victor La Coste (Gard) qui n’a pu mettre sur son étal que 600 g sur 1,4 kilo. Son hectare (1.000 chênes) planté il y a trois ans n’ayant encore aucun rendement, il avait tout ramassé dans les bois avec son chien d’eau romagnol.
« On fait parfois la gueule », a avoué Jacky Ribeyre, un agriculteur gardois de 44 ans qui a voulu diversifier ses cultures (lavande, oliviers…) pour avoir un complément de revenus. Mais de ses 800 g à vendre, il n’a eu le droit d’en écouler que… 300 g.
Cette diversification proposée aux agriculteurs et viticulteurs, c’est la clef du développement de la truffe voulue par le Gard, un département qui produit 3 à 5 tonnes sur les 40 à 50 tonnes récoltées par la France, numéro un mondial.
Le seul problème c’est qu’il n’y a pas de rendement garanti. « La truffe, c’est mystérieux », admet Louis Teule, président de la fédération du Gard de la Truffe.
« On prédisait une bonne récolte cette année. Mais, là où il y a eu des inondations, il n’y a quasiment rien », relève l’ingénieur Bernard Assenat, conseiller agricole en trufficulture. Et M. Tournayre de constater: « C’est la problématique de la truffe. Ma meilleure année, j’ai fait 150 kg (1998). Ma pire: 5 kg (2003). Allez vivre avec ça ! »
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