A Oman, tous les chiens ne sont plus des pestiférés
Niché sur une colline dans la banlieue de Mascate, capitale du sultanat d’Oman, un hôtel et un centre de soins accueillent une clientèle d’un nouveau genre, des chiens, signe d’une certaine évolution des mentalités dans le monde arabe envers ces animaux plus souvent traités en pestiférés que choyés.
A Mascate, le PetCare Veterinary Centre est entièrement dédié au bonheur canin. Implanté sur un terrain de 3.000 m2, un peu à l’écart du monde en raison des aboiements de ses pensionnaires, cet établissement sur deux niveaux compte 35 chambres, une clinique vétérinaire, des salons de toilettage, une salle de dressage et deux piscines de la taille de baignoires.
L’initiateur du projet, Adel Al-Jamri, est un passionné d’élevage de chiens. Depuis les années 1990, il écume avec ses bêtes les concours de races en Asie et en Europe. L’intérêt croissant porté à Oman aux chiens de compagnie et de chasse, surtout parmi les classes aisées, l’a décidé à se lancer dans le bichonnage canin.
« Le chien n’est plus l’animal impur » que l’on présente souvent dans la tradition musulmane, il est dorénavant élevé « pour la compagnie, beaucoup plus que pour la garde », mais aussi « pour les concours et les défilés », assure M. Al-Jamri.
De fait, alors que l’élevage des chameaux et des chevaux est une tradition millénaire à Oman et dans les monarchies du Golfe, une tendance se développe actuellement au sultanat, « notamment chez les jeunes », même si beaucoup de familles continuent de considérer que « le chien est impur », témoigne Mohammed Wassim, gérant d’une animalerie à Mascate.
Pour Selim al-Ghanimi, client de ce magasin, cette tendance traduit aussi le désir de certains Omanais « d’imiter les étrangers ».
Mais dans les milieux religieux, le chien continue d’avoir bien peu la cote. Dans la tradition de l’islam, « il est illicite d’acheter un chien à l’exception des chiens de garde ou de chasse », affirme à l’AFP cheikh Ahmed Khachabeh, l’imam d’une mosquée de Mascate.
– Pour une nuit comme pour trois mois –
Lamia al-Bekri, fonctionnaire, trouve, elle, parfaitement « normal » d’élever des animaux domestiques. Que ne ferait-elle pas pour son chat ? Elle dépense chaque mois pour lui « entre 150 et 200 riyals » (entre 350 et 465 euros). « Par les temps qui courent, un chat ou un chien est beaucoup plus fidèle que certaines personnes », assure-t-elle.
Au PetCare Veterinary Centre, les clients vont du petit chihuahua au berger allemand en passant par le Golden Retriever.
Le concept de l’établissement séduit des Omanais mais aussi des résidents étrangers, notamment américains et britanniques, affirme à l’AFP le directeur des lieux, Ayoub Ali al-Wahibi. « Les propriétaires nous confient leurs chiens surtout lorsqu’ils partent en vacances », pour une nuit comme pour trois mois.
Dans son « hôtel », M. Wahibi est aidé par neuf employés omanais, dont deux vétérinaires et deux dresseurs. Les autres se chargent de l’accueil, de l’installation et de l’hygiène des pensionnaires. Au programme du séjour figurent des petits quarts d’heure d’exercices physiques ici et là pour les hôtes à pattes.
– ‘Club canin’ –
Parce que l’hôtel est sélect, les sans-papiers n’y ont pas leur place. Aucun chien n’est accepté s’il n’est pas en possession d’un certificat délivré par un service vétérinaire privé ou public, explique M. Wahibi.
La bonne réputation des lieux fait que « le taux d’occupation est souvent de plus de 95% », se vante l’administrateur en chef de l’hôtel, Ezzane al-Zadlaji.
Du côté des tarifs, comptez 8 riyals par jour (18,65 euros) pour un chien en pension complète et 6 riyals (14 euros) en demi-pension. L’établissement pratique des réductions pour les jeunes: hébergé en « chambre » plus petite et en demi-pension, un chiot ne paie que 3 à 4 riyals (7 à 9.32 euros). Et l’hôtel compte trois chambres réservées aux « couples ».
Pour que leur fils lycéen âgé de 15 ans se concentre sur ses examens de fin d’année, les parents de Sultan al-Rawahi n’ont pas hésité à placer le berger hollandais de la famille chez PetCare pour plus d’un mois.
Sultan Yahia, lui, se rend régulièrement au centre de soins de PetCare afin d’y faire dresser son Pitbull, « pour le préparer à des concours » de beauté.
A Oman, la passion pour les chiens de race prend de l’ampleur au point que des éleveurs et des propriétaires – qui se croisent à PetCare – projettent désormais de créer un club canin.
Ils font campagne pour leur projet: chaque vendredi, jour de repos hebdomadaire à Oman, quelques dizaines de propriétaires de toutes races défilent ainsi avec leurs chiens, dans un parc de la ville… un spectacle bien inhabituel au sultanat.
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