À l’École des elfes en Islande

À l'École des elfes en Islande
AFP

Hôtes de la lande battue par les vents, les elfes nourrissent depuis des temps immémoriaux les contes populaires d’Islande dont les habitants vous diront, quoi qu’on en pense, qu’ils apparaissent à ceux qui savent les voir.

Des chantiers modifiés pour ne pas les déranger, des pêcheurs qui évitent de sortir en mer avant une tempête grâce à leurs augures: ces créatures font partie de la vie de tout un pays.

Alors, les elfes existent-ils? Magnus Skarphedinsson, après des décennies passées à rassembler des témoignages, est convaincu que oui, et transmet son savoir en tant que « professeur principal » de l’École des elfes à Reykjavik.

« Il n’y a pas de doute qu’ils existent! », lance ce solide gaillard de 60 ans à ses « élèves », des touristes venus tenter de comprendre une croyance qui les fascine.

L'anthropologue Magnus Sharphedinsson pose à Reykjavik le 22 avril 2016

Qu’est-ce qu’un elfe? Un être, plus petit qu’un homme, qui vit dans la nature, et en général ne parle pas. Mais il y a aussi les « Huldufólk » (« peuple caché »), plus proches de l’apparence humaine, et qui parlent « presque tous », en islandais.

Pour convaincre qu’il ne s’agit pas que de mythes, l’anthropologue rapporte, à la manière d’un conteur, deux témoignages.

Le premier est celui d’une femme qui a connu un pêcheur doté du pouvoir de voir les elfes, eux-mêmes pêcheurs. Un matin de février 1921, il constate que les elfes ne partent pas en mer. Il convainc les autres de ne pas partir, mais le patron ne veut rien entendre. Une tempête d’une rare violence se déchaîne ce jour-là dans l’Atlantique. Quand les pêcheurs, restés près des côtes, reviennent sains et saufs, leurs proches n’en croient pas leurs yeux.

En juin 1928, les elfes, une nouvelle fois, ne partent pas pêcher. Mais jamais on n’a vu de méchant coup de tabac en cette saison. Obligés encore par leur patron à sortir en mer, les pêcheurs naviguent effectivement sur des eaux calmes. Seul souci: c’est un jour sans poisson, et « les elfes le savaient », assure l’anthropologue.

L’autre « témoin » est une octogénaire: en 2002, elle croise un jeune adolescent assurant la connaître. Où nous sommes-nous rencontrés? demande-t-elle. Et lui de citer une adresse où elle n’habite plus depuis 53 ans et où sa fille disait jouer autrefois avec un garçon invisible pour les autres. « Mais maman, c’est Maggi! » (diminutif de Magnus), lui dira sa fille quand elle lui décrira le garçon. « Il avait vieilli cinq fois moins vite qu’un être humain », calcule M. Skarphedinsson.

– Accord officiel avec les elfes –

Si des enquêtes montrent qu’un Islandais sur deux à peu près croit aux elfes, « la plupart des gens disent qu’ils ont entendu ça de leurs grands-parents quand ils étaient enfants », remarque Michael Herdon, Américain de 29 ans.

Comme l’écrit Iceland Magazine, les ethnologues ont constaté qu’il était rare qu’un Islandais y croie vraiment, mais souvent difficile de le lui faire avouer.

Un château d'elfes à Reykjavik le 22 avril 2016

« La plupart des gens font très attention quand ils entrent dans un territoire connu pour abriter des elfes », soulignait cette publication anglophone en septembre.

C’est aussi le cas des entrepreneurs de travaux publics. Cela peut faire sourire ailleurs, mais le respect de l’habitat des elfes est une question posée chaque fois que l’on construit dans la superbe campagne islandaise, au milieu des champs de lave ou des landes sauvages.

Le promoteur de l’École des elfes raconte l’histoire en 1971 du chantier de la nationale qui part de Reykjavik vers le nord-est, perturbé visiblement par les elfes qui refusaient la destruction d’un rocher où ils vivaient.

« Ils ont trouvé un accord en fin de compte pour que les elfes quittent le rocher pendant une semaine et qu’on le bouge de 15 mètres. (…) C’est probablement le seul pays dans le monde dont le gouvernement a officiellement parlé aux elfes ».

D’après lui, l’Islande est pourtant loin d’être le seul lieu où ils habitent. Elle a seulement une population (humaine) plus réceptive aux témoignages.

« La vraie raison, c’est que les Lumières sont arrivées très tard en Islande. Dans d’autres pays, on dit que les témoins sont sujets à des hallucinations: c’est l’arrogance scientifique occidentale, le déni de tout ce qu’on n’a pas découvert soi-même », tempête M. Skarphedinsson.

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