A la rencontre des chasseurs de cimetières
A chacun son passe-temps. Il y a en qui font de la musique, du sport ou des jeux vidéo. Et d’autres qui explorent les cimetières et partagent le fruit de leur passion pour le moins inhabituelle sur les réseaux sociaux.
Ils se font appeler « Club Cimetière ». Un petit groupe de Britanniques, jeunes pour la plupart, vouant un culte aux tombes, mausolées et autres lieux et monuments dédiés aux morts et à leur mémoire.
Le club anime depuis maintenant deux ans un blog qui retrace, avec moult photos et commentaires, leurs multiples pérégrinations aux portes de l’au-delà.
« C’est une sorte de reproduction de ces bibliothèques des morts que constituent les cimetières », explique à l’AFP Sheldon Goodman, 28 ans, un des membres fondateurs.
« Il s’agit aussi de montrer que ces endroits sont des espaces publics incroyables », riches en histoire et constituant souvent de véritables oasis de verdure en pleine jungle urbaine, comme à Londres par exemple.
Certes, reconnaît Sheldon, les cimetières ne sont pas un passe-temps tout à fait comme les autres, et l’inévitable rapport à la mort inhérent à cette occupation a de quoi décontenancer.
« Quand les gens me demandent ce que je fais, et que je réponds que je m’occupe d’un blog sur les cimetières, la réaction de base, c’est souvent +euh… pardon ?+ », dit-il.
« Les gens hochent la tête et font les yeux ronds ». Pourtant, « je suis un type normal. Je ne m’habille pas en noir en brandissant des crânes ».
– ‘iTombe’ –
Les sépultures, Sheldon est tombé dedans quand il était tout petit. Enfant, il se rendait au cimetière en famille pour rendre hommage à ses proches disparus. « Je voyais ces merveilleuses pierres tombales tout autour mais je n’avais pas vraiment la possibilité de les approcher ».
Deux décennies plus tard, Sheldon a largement rattrapé le temps perdu en visitant, avec son club, des cimetières par dizaines, principalement au Royaume-Uni mais également dans le reste du monde.
De ces voyages, ils ont tiré des récits détaillés qu’ils partagent sur le blog et sur Twitter. On y découvre par exemple la dernière demeure de Richard Francis Burton, aventurier et historien britannique du XIXe siècle, enterré au cimetière londonien de Mortlake.
Décorée d’étoiles et de croissants de lune rappelant la culture islamique, « la tombe a la forme d’une tente bédouine, avec une pierre délicatement sculptée qui lui donne l’aspect du tissu », écrit Caroline, une membre du club.
Il y a aussi des anecdotes insolites, comme cette tombe en forme d’ordinateur et rebaptisée « iGrave » (« iTombe » en français) par le club, ou le récit de la vie de l’inventeur Maxim Hiram, enterré au cimetière de West Norwood, dans la capitale britannique, au début du XXe siècle.
Concepteur de mitraillettes et de pièges à souris, Hiram s’est également distingué en lançant des… haricots noirs avec une sarbacane sur les défilés de l’Armée du Salut, raconte Sheldon.
– Skateboards et cimetières virtuels –
Ces aventuriers du cercueil perdu empruntent parfois des chemins surprenants, mus par l’insatiable envie d’en savoir toujours un peu plus sur ces territoires du souvenir.
Au pied d’Hungerford Bridge, à Londres, Stephen Roberts a photographié un cimetière de skateboards connu de quelques initiés. « Quand les skateboarders cassent leurs planches, ils font une sorte de rituel funéraire et les jettent sur un pilier du pont », explique Sheldon.
Autre membre fondateur du club, Christina est, elle, allée à la découverte du cimetière virtuel du jeu vidéo Grand Theft Auto V, superproduction de l’éditeur Rockstar Games se déroulant à « Los Santos », cité imaginaire inspirée de Los Angeles.
« Au Club Cimetière, nous sommes toujours à la recherche d’expériences uniques et intéressantes », dit-elle, en décrivant un lieu « relaxant » et « presque aussi vrai que nature ».
Ce type de cimetière préfigure peut-être nos dernières demeures du futur, note Sheldon en évoquant le développement des services offrant une vie numérique après la mort.
« Qu’est-ce qu’un vrai lieu de mémoire aujourd’hui ? Le cimetière où les gens sont enterrés, ou un genre de profil en ligne ? », interroge-t-il.
« Peut-être verra-t-on dans le futur des cimetières virtuels où l’on pourra se balader, comme sur une carte numérique, et cliquer sur une pierre tombale pour obtenir la biographie de quelqu’un… »
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