Violette Morris, sportive oubliée

Violette Morris © Gédéon programmes
Stéphanie Breuer Journaliste

Athlétisme, football, cyclisme, course automobile… Dans les années 1920, la Française s’essaie à tous les sports et surpasse les hommes sur leurs propres terrains.

Son nom est méconnu. Pourtant, son palmarès compte une cinquantaine de médailles dans une vingtaine de disciplines ! Qualifiée de «sportive la plus intrépide et la plus éclectique du pays» par la presse, Violette Morris (1893-1944) a fait vibrer les foules dans les années 1920, avant de tomber dans l’oubli pour son attitude lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce dimanche à 22h55, France 5 dresse le portrait de cette femme hors du commun avec le documentaire «Violette Morris, une femme 
à abattre».

Cheveux courts et gominés, cravate, veston d’homme, pantalon de flanelle et cigarette à la bouche. Au début du 
XXe siècle, la dégaine et le style vestimentaire de Violette Morris ne passent pas inaperçus. Mais au-delà de son apparence, son parcours et ses performances marquent les esprits. Pendant la Première Guerre mondiale, son héroïsme est déjà salué. Engagée aux côtés des soldats, la jeune femme rejoint le front – comme ambulancière et agent de liaison à la bataille de Verdun -, autant par patriotisme que par goût de l’action.

Homosexuelle 
assumée

À son retour à la vie civile, cette homosexuelle assumée se lance dans une carrière sportive. Lors de son enfance dans un pensionnat de Huy, la Française, en manque d’affection, a pris goût au sport (d’abord la boxe et la natation). Dans l’entre-deux-guerres, celle que l’on surnomme «La Morris» est de toutes les compétitions et n’a qu’une idée en tête : anéantir l’adversaire, de préférence masculin. «Ce qu’un homme fait, Violette peut le faire», lance-t-elle à la presse à l’issue d’une course cycliste, dont elle est la seule concurrente féminine.

Après l’athlétisme et le football, l’athlète s’attaque à la course automobile et, en juin 1927, prend le départ du Bol d’Or, la course la plus populaire et éprouvante de l’époque. Ignorant la fatigue et le bruit infernal des moteurs, elle est la première à franchir la ligne d’arrivée 24 heures plus tard. «Un solide gaillard», titre alors 
Le Figaro.

Double mastectomie

Adulée par les foules, elle veut vivre sa vie comme elle l’entend et s’oppose à Pierre de Coubertin, pour qui le rôle des femmes doit se limiter à couronner les vainqueurs. Les instances dirigeantes commencent par lui interdire de porter des tenues de sport masculines, avant de lui supprimer sa licence. Un drame pour celle qui n’hésite pas à subir volontairement une double mastectomie pour obtenir plus de confort dans l’habitacle étroit des voitures de course. Privée des JO 1928, la gloire des stades porte l’affaire devant les tribunaux. Déboutée en 1930, Violette Morris développe un ressentiment envers son pays.

Privée de compétitions, elle se trouve une nouvelle passion, le music-hall, et devient l’une des figures les plus en vue des folles soirées parisiennes. Fréquentant Jean Cocteau, Jean Marais et Colette, elle déserte les stades pour les planches et se lance dans une carrière d’artiste lyrique et transformiste. Sa passion amoureuse avec la comédienne Yvonne de Bray et leur installation sur une péniche en bord de Seine font alors grand bruit.


Le début de la Seconde Guerre mondiale sonne l’heure de la revanche contre la France pour la sportive. Dès octobre 1940, celle-ci se met au service de Vichy et collabore avec les nazis. Le 26 avril 1944, des maquisards ouvrent le feu sur sa voiture en pleine campagne normande. «La Hyène de la Gestapo» meurt dans l’indifférence générale et son nom est jeté aux oubliettes de l’Histoire par la France de l’après-guerre, embarrassée par cette figure à la fois pionnière et scandaleuse.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/6/2024

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