Venise, bas les masques !

La face sombre de la cité des Doges dévoilée dans un documentaire passionnant © Getty

Le temps d’une histoire, Patrick Weber se penche sur le passé trouble et sulfureux de Venise. Plein de mystères ont façonné la légende de la Sérénissime.

Dès sa création, Venise s’est distinguée par un appétit quasi sans limite pour le pouvoir. Au IXe siècle, le doge commandite ainsi le vol des reliques de l’évangéliste Saint Marc détenues par l’Égypte et impose Venise parmi les grandes villes de la chrétienté.

Qu’allons-nous découvrir sur Venise à travers ce documentaire que vous proposez ?

Nous sommes loin des clichés et de la carte postale. Dès qu’on quitte de quelques rues les lieux touristiques, on ne croise plus personne et on a l’impression de retourner dans le temps. Ici, c’est Venise bas les masques, son côté obscur ! Nous avons choisi de diffuser ce documentaire grand public pendant le carnaval. Il dévoile les coulisses de son histoire mouvementée : Venise comme capitale de l’espionnage et des affaires, son côté décadent, ses bordels et scandales au XVIIIe siècle… Lorsque la ville a périclité, elle a perdu de sa superbe sur tous les plans.

Quelle histoire vous a particulièrement interpellé ?

La partie sur l’île maudite de Poveglia. Venise est composée d’une mosaïque d’îles qui se côtoient et s’affrontent. Certaines d’entre elles ont été des prisons à ciel ouvert, des lieux d’isolement pour les malades de la peste, les aliénés… Cela a été très sinistre. À l’époque, les Vénitiens ne s’encombraient pas, ils se débarrassaient des gens en les confinant sur des îles. Du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, Poveglia a accueilli un hospice et un hôpital psychiatrique. Cette île a été liée à Mussolini et au fascisme, partisan des camps d’isolement. On dit que Poveglia est hantée aujourd’hui de tous les esprits qui l’ont habitée.

Le film relate aussi l’évasion de Casanova de la prison des Plombs. Il y aurait été enfermé pour libertinage, escroquerie et peut-être aussi pour appartenance maçonnique !

Cette évasion reste un grand mystère. Chez Casanova, par rapport à Don Juan, il y a quelque chose de l’ordre de la performance physique, de la conquête et du sexe. Il pousse le libertinage dans ses derniers retranchements. Le personnage illustre bien cette époque. La Venise du XVIIIe siècle n’est plus que l’ombre d’elle-même mais cultive de beaux restes, pratiquant l’art de la fête. Quand il se retrouve derrière les barreaux, la ville part en chasse alors contre ses démons.

La prison était située dans les combles du Palais des Doges et tient son nom de son toit fait de plaques de plombs…

Il y faisait très chaud l’été, glacial l’hiver. Cela devait être insupportable ! Mais on ignore encore comment Casanova s’est véritablement échappé. Il a dû bénéficier d’appuis… Et a sans doute été dénoncé, peut-être par un mari cocu. Partout en Italie, il y avait des «bouches de la vérité», des boîtes aux lettres qui permettaient de balancer anonymement. La justice fonctionnait sur ce registre peu glorieux. La république Sérénissime n’était pas démocratique. L’élection du doge relevait du graissage de pattes. C’était le royaume des passe-droits et dessous de table.

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