Une tranche d’Histoire : l’exubérant banquet du shah d’Iran

Les débauches de moyens mis en place ont sans doute précipité la chute du Shah © RTBF/IPL

En 1971, le shah d’Iran organisait le plus grand banquet du monde… Certains ne l’ont pas digéré.

Imaginez une table de cent mètres de longueur garnie d’une nappe d’un seul tenant. Autour, les chefs d’État des quatre coins du monde. Juan Carlos d’Espagne, l’émir du Bahreïn, le président roumain Ceausescu, le prince Rainier de Monaco et la princesse Grace, l’empereur d’Éthiopie, la reine d’Angleterre représentée par son époux, le président zaïrois Mobutu, un envoyé spécial du Pape…

Et pour nourrir tout ce beau monde, 18 tonnes de victuailles. Du foie gras, des truffes, du caviar. 25.000 bouteilles de vin, 12.000 flacons de whisky. Cette table est entrée au Guinness Book des Records comme «le plus long et le plus somptueux banquet de l’histoire moderne». Il a été organisé par le Shah d’Iran, en octobre 1971. Une folie lourde de conséquences, à découvrir vendredi à 22h45 sur La Une…

Les Mille et une nuits

1971. Mohammad Reza Pahlavi est shah d’Iran depuis trente ans. Que sait-on de lui ? Que le pétrole en a fait un homme immensément riche. Et qu’il s’est marié à trois reprises. Avant Farah Diba, il y eut Faouzia, la sœur du roi d’Égypte, qui repartit un jour chez elle pour ne plus jamais revenir. Et Soraya, répudiée parce qu’elle ne pouvait lui donner d’héritier. Tout cela a fait les choux gras de la presse people. Quant à la presse politique, elle voit souvent Pahlavi comme une marionnette des États-Unis.

Le Shah veut changer son image. Affirmer sa légitimité aux yeux du monde. Il décide d’inviter tous les chefs d’État de la planète pour fêter le 2.500e anniversaire de la création de l’Empire perse par Cyrus le Grand. Les festivités doivent avoir lieu dans la ville antique de Persépolis. Mais c’est un site archéologique en plein désert…

Qu’à cela ne tienne. Le Shah fait construire sur place un village de tentes de luxe. Un décor surréaliste, digne des Mille et une nuits. Des kilomètres de gazon sont déroulés sur 4 hectares de sable, 15.000 arbres arrivent de France par avion… 50.000 moineaux sont même lâchés sur place, mais ils ne survivront que quelques heures à la chaleur et au manque d’eau.

Opposants et courtisans

Dans son discours d’ouverture, le Shah se présente comme le successeur de Cyrus : «Dors paisiblement, Cyrus, nous sommes éveillés.» La phrase est vite détournée : «Dors, Cyrus, nous ruinons le pays»…

L’un des leaders de l’opposition, l’ayatollah Khomeiny, écrit : «Dans beaucoup de nos villes et dans la plupart de nos villages, il n’y a ni médecins ni médicaments. Il n’y a aucune école, pas de sanitaires, pas d’eau potable. Les enfants ont tellement faim qu’ils broutent dans les prés. Pourtant, ce régime tyrannique dépense des millions de dollars pour des festivités…»

Le Shah est coupé de ces réalités. Il est entouré de courtisans qui ne lui disent que ce qu’il veut entendre. Mais la réalité va le rattraper et certains estiment que ce banquet a fait office d’étincelle. En 1979, un soulèvement populaire mène à la révolution islamique. Le Shah mourra en exil l’année suivante.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 8/10/2020

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