Truman Capote : «De sang-froid», le livre d’une vie

Extrait du film «De sang-froid» © Arte
Stéphanie Breuer Journaliste

Dans les années 1960, l’écrivain américain Truman Capote consacre une longue enquête à une sordide affaire de meurtre. Il en tire un «roman documentaire» qui passionne le pays : «De sang-froid». L’adaptation cinématographique est diffusée ce lundi à 22h30 sur Arte.

Avec son chef-d’œuvre «De sang-froid», précurseur d’un genre nouveau, Truman Capote a révolutionné la littérature et est entré dans le cercle des écrivains les plus influents du XXe siècle. Mais ce livre, à la frontière entre littérature et journalisme, l’a aussi plongé dans une profonde dépression. Adapté sur grand écran en 1967, le film «De sang-froid» (réalisé par Richard Brooks) est diffusé sur Arte lundi à 22.30.

Direction le Kansas

Après une enfance chaotique en Alabama, Truman Capote, se présentant comme «un génie», poursuit sa scolarité à New York, avant de se lancer dans une carrière littéraire. Son roman «Petit déjeuner chez Tiffany», paru en 1958, fait de lui un écrivain en vue.

Alors que sa réputation ne cesse de grandir dans les cercles littéraires et mondains de la Grosse Pomme, Capote réfléchit à son projet suivant. Il planche sur un nouveau genre, le «non-fiction novel», un roman tiré de faits réels. En novembre 1959, un banal fait divers attire son attention dans les pages du New York Times : à Holcomb, une petite bourgade du Kansas, quatre membres de la famille Clutter ont été tués dans leur ferme isolée, pour un butin dérisoire. L’écrivain en est persuadé, il tient là le point de départ de son prochain ouvrage.

Pour le compte du New Yorker, il prend la direction du Middle West, accompagné par sa fidèle amie d’enfance, Harper Lee, elle aussi auteure à succès («Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur»). Durant plus de cinq ans, Truman Capote suit l’enquête criminelle. Il interroge la population locale, les autorités et chaque protagoniste de cette sordide affaire. Grâce à la relation qu’il noue avec un avocat, il parvient même à rencontrer les deux assassins en prison, Perry Smith et Dick Hickock, arrêtés quelques mois après leur crime. Désireux de comprendre ce qui a poussé ces marginaux à commettre l’irréparable, Capote entame une longue relation épistolaire avec eux, jusqu’à leur exécution par pendaison en avril 1965, à laquelle il assiste.

Gloire, fortune et dépression

En janvier de l’année suivante, paraît «De sang-froid» («In Cold Blood»), premier «roman de non fiction», dans lequel Capote se met en scène. «La seule différence entre ce roman et les autres est que les faits ne sortent pas de mon esprit», dira-t-il. L’Amérique se passionne pour ce livre d’un genre nouveau, qui se vend à des millions d’exemplaires, tandis que l’auteur récolte gloire et fortune. Mais profondément marqué par cette histoire et le destin de Perry Smith auquel il s’identifie, l’écrivain, devenu très médiatique, sombre dans l’alcool, la drogue et une profonde dépression, dont il ne guérira jamais. Certes, il produit encore quelques nouvelles et articles, mais plus aucun roman ne sortira de sa plume. Même son roman «Prières exaucées», qu’il présentait comme son autre grande œuvre, restera inachevé à son décès en août 1984, à l’âge de 59 ans.

Adaptation fidèle

Un an après la sortie du «roman documentaire» de Capote, Richard Brooks tourne une adaptation fidèle de l’œuvre. Il choisit des comédiens quasiment inconnus pour incarner les deux jeunes paumés à l’existence misérable et devenus meurtriers. Le cinéaste, qui opte pour le noir et blanc, va, pour plus de réalisme, jusqu’à tourner la scène du crime là où il avait eu lieu. Un choix qui ne manque pas de faire polémique à la sortie du film en salles. 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 25/6/2020

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