Toussaint Louverture, le «Spartacus noir»

Extrait du «Secrets d'Histoire» qui lui est consacré ce lundi sur France 3 © FTV/SEP/Laurent Menec
Stéphanie Breuer Journaliste

Héros du soulèvement des esclaves, Toussaint Louverture joue un rôle de premier plan dans l’indépendance de Haïti.

Il naît esclave sous le soleil des Antilles et meurt en captivité dans le froid du Jura. Entre les deux, il défend la liberté. Portrait de Toussaint Louverture, dont Stéphane Bern retrace le parcours lundi à 21h05 dans «Secrets d’Histoire» sur France 3.

Direction la mer des Caraïbes, où Saint-Domingue, la partie ouest de l’île de Hispaniola, est, au XVIIIe siècle, une importante puissance économique. Le sucre, le coton et le café font la richesse de cette colonie et procurent des revenus considérables à la France. Une prospérité rendue possible par l’esclavage.

C’est d’ailleurs sous le statut d’esclave que naît François Toussaint en 1743, dans la plantation sucrière de Bréda. Bénéficiant d’une «liberté de savane» grâce à son père, un ancien dignitaire du Bénin victime de la traite atlantique, il ne travaille pas dans les champs, mais dans la maison de son maître. De son père, il hérite du charisme, de la connaissance des plantes et d’une grande intelligence. À 33 ans, Toussaint, devenu cocher, obtient son affranchissement et acquiert une petite plantation, où travaillent quelques esclaves.

La révolte gronde

Bénéficiant alors d’un statut confortable, l’ancien esclave fait figure d’exception sur l’île, où la colère gronde. Les libres de couleur manifestent pour obtenir l’égalité civique, tandis que les esclaves réclament la liberté et les Blancs l’indépendance. Au même moment, la France aussi vit une période troublée par la Révolution et l’abolition de l’esclavage fait alors écho aux idées des philosophes des Lumières.

En août 1791, lorsqu’une insurrection éclate dans le nord de l’île, Toussaint rejoint les esclaves révoltés. «Il fait très vite la preuve de son courage ainsi que de ses talents de stratège», écrit Fabienne Manière dans «L’Héritier noir des Lumières» (herodote.net). «Le surnom de L’ouverture ou Louverture s’ajoute à son nom en raison de la bravoure avec laquelle il enfonce les brèches !»

À la guerre civile se mêle un conflit contre les Espagnols et les Anglais. Un temps passé dans le camp hispanique, Louverture rejoint le clan républicain lorsque la France proclame, en 1794, l’abolition de l’esclavage – il sera réintroduit en 1802 avant d’être définitivement aboli en 1848. Toussaint Louverture mate les troupes ennemies, ce qui lui vaut d’être promu général de l’armée française.

Gouverneur à vie

En 1801, il promulgue une constitution qui fait de Saint-Domingue une colonie autonome dont il se nomme gouverneur à vie. «À Paris, le Premier Consul Bonaparte n’accepte pas les velléités autonomistes de Toussaint Louverture et son irritation déborde quand il reçoit de celui-ci une lettre intitulée : «Du Premier des Noirs au Premier des Blancs»», poursuit Fabienne Manière. «Décidé à le remettre à la raison, il lui envoie une puissante armée de 25.000 hommes sous les ordres de son beau-frère Leclerc.»

En juin 1802, Toussaint Louverture est arrêté par les troupes de Napoléon, qui avait écrit à son sujet «fin, astucieux, s’en méfier» ! Sur le bateau qui l’amène en France, il s’exclame : «En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs, il repoussera par les racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses.»

De fait, sur place, son lieutenant Jean-Jacques Dessalines poursuit le combat. Incarcéré au fort de Joux, dans le Jura, Louverture y décède le 8 avril 1803 et n’assiste donc pas, le 1er janvier 1804, à l’indépendance de son île, devenue la première république noire de l’Histoire et renommée de son nom amérindien, Haïti.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/5/2021

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