Super-reconnaisseurs : as du face-à-face

Dans certaines gares et stations de métro, pour garantir la sécurité, la police emploie des super-reconnaisseurs pour repérer dans la foule les individus classés suspects © RTBF

Pouvez-vous reconnaître avec précision tous les visages, qu’il s’agisse de ceux de vos proches ou d’inconnus vus une fois ? Focus sur ce pouvoir étrange, à l’occasion d’un sujet diffusé ce mercredi à 23h10 dans «Matière grise» sur La Une.

En moyenne, nous pouvons nous souvenir d’environ 5.000 visages, aperçus au travail, dans la rue ou les médias. Mais certains humains «photographient» quasiment tout le monde et stockent ces données dans leur mémoire. Ceux-ci sont appelés, depuis 2009, les «super-reconnaisseurs» mais aussi super-mémorisateurs ; ou super-observateurs quand ils savent observer toutes les têtes dans une foule ; et super-matcheurs lorsqu’ils peuvent faire rapidement le lien entre un faciès et sa photo sur un passeport ou sur une carte d’identité.

À l’inverse, une petite frange de la population a du mal à identifier autrui, même parmi ses proches ! Il s’agit alors d’êtres prosopagnosiques ! Tous ces cas n’ont rien à voir avec l’intellect, ils dépendraient de la façon dont les connexions cérébrales fonctionnent. Un mystère que les scientifiques commencent à peine à percer.

Photo instantanée

En Grande-Bretagne, la police est fière de compter parmi ses recrues un certain Andrew Pope, agent quadragénaire dont la patrouille assure la sécurité dans les trains, bus et tramways. Depuis 2012, il a identifié plus de 2.000 suspects ! «Ce don est un peu étrange», admet-il dans The Guardian. «Même lorsque je ne suis pas en service et que je sors avec mes amis ou ma famille, je ne peux m’empêcher de constamment regarder les visages !»

L’un de ses homologues, spécialiste des gangs locaux, Gary Collins, a la même aptitude. Après une manifestation en 2011 à Londres, il a su reconnaître près d’un tiers des 600 émeutiers sur des clichés et vidéos. Comment s’y prennent ces super-reconnaisseurs, aussi appelés physionomistes ?

Selon Karen Lander, chercheuse à l’Université de Manchester : «Ils n’ont besoin de se concentrer qu’une seule fois. Leur cerveau prend un instantané facial frontal. Une personne avec une capacité normale de reconnaissance va d’abord regarder les yeux de son interlocuteur. Un super-mémorisateur va, lui, observer davantage le nez, ce qui lui donne une vision plus globale d’un visage.»

Ce talent aurait aussi une source génétique. Et sociale. Les scientifiques ont constaté que les gens très extravertis, aimant le contact avec les autres et manifestant beaucoup de sympathie, voire de l’empathie, sont davantage susceptibles d’être très physionomistes.

Timidité et anxiété

En revanche, ceux et celles qui ont plus de mal à se remémorer des traits faciaux sont plus introvertis, timides et souvent anxieux. À leur décharge, le Dr Lander explique :«Reconnaître les visages est l’une des tâches les plus exigeantes sur le plan cognitif et neurologique. Mais cela peut être un embarras car savoir identifier les gens est une courtoisie de base, en particulier au travail. Cela peut même être perçu comme un faux pas, l’autre personne pouvant penser que nous n’avez pas pris le temps ni fait l’effort d’apprendre quoi que ce soit elle.»

La scientifique conseille alors à ces prosopagnosiques de mémoriser d’autres éléments comme la voix, le style capillaire ou vestimentaire. Mais que tout un chacun se rassure : «Si nos ancêtres étaient aptes à noter les traits d’autrui pour repérer un ennemi potentiel, ils croisaient moins de contemporains que nous ! Dans le monde moderne, des centres-villes aux flux de médias sociaux, avec des milliers de visages autour de vous, s’en souvenir devient un défi beaucoup plus difficile !»

À consulter

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Cet article est paru dans le Télépro du 13/4/2023

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