Sous les masques du carnaval de Venise

Le carnaval moderne a été relancé en 1979 © Isopix

Tradition ancestrale soumise à plusieurs changements de règlements à travers les siècles, le carnaval de Venise était, à ses débuts, bien plus qu’une fête. Avec ses codes. Et ses dangers !

Le public qui participe aujourd’hui à cet événement folklorique mondialement connu y vient pour son ambiance magique, la dégustation de mets festifs locaux, les démonstrations théâtrales et circassiennes en plein air. Ce dimanche à 21h10, France 4 diffuse d’ailleurs «Une des dernières soirées de carnaval».

Devenu commercial, avec les achats ou locations onéreux des masques et costumes, la flambée des prix des hôtels durant cette période – qui débute dix jours avant le mercredi des Cendres et dure jusqu’au mardi gras – et l’offre de soirées privées luxueuses dans des lieux historiques, le carnaval reste cependant féerique lorsque des êtres élégants errent dans les rues labyrinthiques de «Venezia», entre la place Saint-Marc, le Pont des Soupirs ou le Palais des Doges. Mais à ses débuts, cette «mascarade» avait une toute autre utilité.

Adieu les contraintes

Selon Gilles Bertrand, professeur d’histoire moderne à l’Université Pierre-Mendès-France de Grenoble : «Le carnaval de Venise est né il y a près de 1.000 ans.» Et d’expliquer sur France Info : «À cette époque, c’est le Moyen Âge, la vie est difficile. On travaille dur toute l’année. L’événement permet donc de se libérer. On fait la fête en dansant, en mangeant de la nourriture grasse et en se déguisant. Les dirigeants de l’Église catholique l’ont créé pour laisser un moment de liberté aux croyants, avant les privations du carême. Le fait de se déguiser permet de changer de personnalité, de s’inventer une autre vie en se libérant des contraintes et en faisant ce que l’on veut.»

Un principe et un plaisir «vieux comme le monde» puisque des peintures rupestres préhistoriques de la Dordogne représentant des masques d’animaux montraient déjà le goût de l’humain pour la transformation et la dissimulation.

Pour riches et pauvres

Parmi les documents retrouvés, un édit du premier Doge (dirigeant) de la cité, Vitale Falier, mentionne le carnaval en 1094. Plus qu’une fête, cet événement a pour but d’abolir les contraintes sociales habituelles. Venise se caractérisant alors par une forte inégalité sociale liée au niveau des revenus de ses habitants, masques et déguisements étaient une opportunité de rendre chaque citoyen égal, quelle que soit sa situation financière, son statut ou sa classe. Tous les gens étaient pareils sous leur masque, pouvaient parler de tout, rire de tout, sans avoir peur d’être jugés. Mais cette formidable occasion avait aussi ses inconvénients.

Dépravation

La liberté a bientôt glissé du côté de la décadence, avec des agressions, vols, harcèlements et viols. En 1339, le Sénat impose l’interdiction de circuler masqué de nuit, puis en 1458, l’interdiction d’entrer déguisé en religieux dans les lieux sacrés, afin d’y empêcher des actes libertins. Sont aussi proscrits : le port d’armes sous le déguisement et la prostitution en dehors des zones et lieux de prestige, sous peine d’être fouetté publiquement sur la place Saint-Marc et interdit sur le sol vénitien pendant quatre ans.

Mais les débordements ont perduré. Ainsi, au XVIIIe siècle, les fêtards fréquentaient les maisons de jeu, tandis que circulait sous le manteau un guide géographique des lupanars de l’époque ! Ce papier était particulièrement apprécié des jeunes étudiants aristocrates anglais… En 1797, la tradition de ce carnaval est supprimée. Napoléon Bonaparte, qui a débarqué à Venise, craint alors de voir arriver en douce des révolutionnaires ou des bandits armés. Il faudra attendre 1979 pour que la fête reprenne. Et retrouve tout son panache !

Cet article est paru dans le Télépro du 24/2/2022

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici