Simas Kudirka : un marin soviétique dans les mailles d’un filet américain
Le saut de Simas Kudirka, fuyant «l’enfer soviétique», fut l’un des épisodes les plus incroyables de la guerre froide. Ce mercredi à 23h45, France 2 raconte l’histoire dans «25 nuances de doc : le saut».
C’est une histoire digne d’un scénario invraisemblable. Nous sommes en 1970, en pleine guerre froide, alors que Russes et Américains se regardent en chiens de faïence. Rien de nouveau sans doute à la lecture des événements actuels. Mais à l’époque, malgré toutes ces tensions, on se parle et on organise de nombreuses rencontres bilatérales, notamment entre pêcheurs.
Le grand saut
Simas Kudirka, lituanien de naissance, officie comme opérateur radio sur le Sovetskaya Litva qui, à l’époque, bat pavillon soviétique. Son navire a été choisi pour rencontrer, au large des côtes du Massachusetts, son homologue américain, l’USCGC Vigilant. Kudirka n’a qu’un seul désir, échapper coûte que coûte à ce qu’il nommera plus tard l’enfer soviétique. Et ils sont des millions à avoir cette envie. L’occasion est trop belle. Les deux bâtiments sont côte-à-côte.
Le Lituanien prend son souffle et en un instant, se retrouve sur le pont du navire américain, croyant ainsi entrer définitivement dans le monde libre. Nous sommes le 24 novembre 1970. L’incident aurait pu vite dégénérer, mais le capitaine du bateau US autorise, sur l’ordre du contre-amiral William B. Ellis, des membres du KGB à ramener le fuyard sur son navire d’origine pour être ensuite traduit devant un tribunal soviétique. Après une parodie de procès, Simas Kudirka se retrouve dans un camp de travail forcé en Sibérie, condamné à dix ans de réclusion.
Une tempête
Mais l’affaire fait, oserions-nous dire, des vagues dans le haut commandement naval américain. Le contre-amiral, son chef d’état-major et le capitaine du garde-côte Vigilant sont relevés de leurs fonctions en attendant les résultats de l’enquête ordonnée pour lever le voile sur cette tentative d’évasion et la demande d’asile politique formulée aussitôt par Kudirka. La presse américaine, rapidement informée, manque de mots pour décrire l’attitude inqualifiable des autorités américaines. Les États-Unis sont et devront toujours demeurer à ses yeux une terre d’accueil, un refuge pour toutes celles et ceux en quête de liberté.
Enfin libre !
Après toute une série de retournements rocambolesques dont le moindre n’est pas celui d’avoir découvert que la mère de Simas Kudirka était née aux États-Unis – et qu’à ce titre, il pouvait donc accéder à la citoyenneté américaine -, notre héros malgré lui est libéré en 1974. La pression internationale avait porté ses fruits en faisant plier l’intransigeance des autorités soviétiques, tout comme le livre «Day of Shame» (Jour de honte) édité en 1973 et qui raconte avec moult détails les péripéties de l’affaire. Kudirka coule alors des jours heureux chez l’oncle Sam pour enfin rejoindre sa terre natale lors de la dislocation de l’empire soviétique. C’est d’ailleurs dans son pays qu’il est décédé le 11 février dernier, à l’âge de 92 ans.
Cet article est paru dans le Télépro du 27/4/2023
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici