Si la «BD de Bayeux » m’était contée…

Image extraite du documentaire diffusé ce jeudi sur France 5 © France 5/La Compagnie des Taxi-Brousse

L’histoire mouvementée et les mystères de la célèbre tapisserie, ancêtre de la bande dessinée, dévoilés sur France 5 ce jeudi à 20h55 dans le documentaire «Les Mystères de la tapisserie de Bayeux».

Ma première rencontre avec la tapisserie de Bayeux a le parfum particulier des livres anciens, celui de la bibliothèque paroissiale de mon enfance. Dès 8 ans, je la fréquente le mercredi après-midi… pour les BD.

Ce jour-là, je m’empare d’un nouveau venu dans les rayons. Timour, le héros à la chevelure rouge imaginé par Sirius, est cette fois transporté en plein Moyen Âge pour des nouvelles aventures intitulées «Le Serment d’Hastings». À côté des phylactères narrant le récit du guerrier, figure «la grande Histoire» : celle de la célèbre bataille du 14 octobre 1066 à Hastings. Les exploits du duc de Normandie, Guillaume, et sa victoire sur les Anglo-Saxons du roi Harold est racontée à travers de «curieux dessins», un peu enfantins.

Je referme la BD et quitte les lieux un brin déçu par ce que je viens de voir. Bien plus tard, en secondaire, je fais le rapprochement entre ce lointain souvenir et le cours que j’écoute. Un moment inoubliable : le prof s’arrête en pleine explication de l’histoire du chef d’œuvre et interpelle un élève distrait au fond de la classe. «Mais que faites-vous ?», l’interroge-t-il. Réponse : «Je fais tapisserie». Rire général ! L’élève s’appelle… Bayeux.

Ancêtre de la BD

Trêve de plaisanteries. Sur 68,80 m de longueur et un peu plus de 50 cm de largeur, la tapisserie de Bayeux (alias tapisserie de la reine Mathilde) et ses broderies racontent la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant. Une fresque qui tient à la fois de la bande dessinée (on y revient) et du reportage.

Les différentes scènes sont en effet accompagnées de commentaires en latin, comme une BD. À la manière d’un reportage, l’ensemble décrit dans le détail un tournant de l’histoire. Traversées de drakkars, chevauchées, champs de bataille…

«Dix couleurs de fils de laine servent à représenter, avec des effets de perspective, les 626 personnages, les 37 édifices dont le Mont-Saint-Michel, les 41 navires et 202 chevaux et mulets», énumèrent le site du Bayeux Museum. Les différentes scènes débordent d’informations sur les tenues vestimentaires des paysans et des guerriers de l’époque.

Comme l’indique le site consacré à l’histoire Herodote.net : «Elle nous apprend comment nos aïeux cuisinaient, chassaient et se déplaçaient, comment ils construisaient les navires». Ces détails inspirent encore les historiens, cinéastes et amateurs de reconstitutions.

Vous avez dit mystère ?

Classée «Mémoire du Monde de l’Unesco», la tapisserie l’a échappé belle plusieurs fois. Pas seulement lorsque les nazis ont failli l’emporter voire la détruire dans leur fuite à la fin de la Seconde Guerre. Avant cela, elle échappe à des pillages et à des incendies. En 1792, elle est sauvée de justesse alors que des soldats veulent l’utiliser comme bâche pour leur chariot !

La tapisserie est aussi entourée de mystère. À quelle époque a-t-elle été conçue ? Les théories s’opposent. Peut-être très vite après le sacre de Guillaume en 1066, peut-être beaucoup tard pour célébrer le 30e anniversaire de sa mort ou le 50e de celui de la bataille d’Hastings.

Qui l’a commandée ? La fille du roi, Adèle de Blois, ou Odon, le demi-frère de celui-ci ? Là encore, nulle réponse définitive.

Qui l’a réalisée ? Des artisans de la région de Canterbury ? La manière dont les textes en latin sont écrits et la technique de broderie vont dans ce sens : «Presque certainement et pour la cathédrale de Bayeux», écrit David Bates, historien britannique, spécialiste de la Normandie et de l’Angleterre du XIe siècle.

Des archéologues, historiens, biologistes, anthropologues et même des astrophysiciens mettent en commun leurs recherches pour continuer de faire «parler» la tapisserie aujourd’hui exposée dans l’ancien Grand séminaire de Bayeux. 

Cet article est paru dans le Télépro du 2/12/2021

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