Rothschild : du ghetto au gros lot

Père de dix enfants, Mayer Amschel Rothschild est à l’origine d’une dynastie internationale sans équivalent, que les premières générations ont consolidées par des mariages consanguins (entre cousins, oncle et nièce…) © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Samedi à 20h35 avec le documentaire «Les Rothschild – Ascension et tribulations d’une famille», La Trois s’intéresse au parcours de la célèbre famille Rothschild, qui débute dans un ghetto à Francfort, avant d’atteindre les sommets de la finance mondiale.

À l’instar de quelques rares cas, comme Rockefeller ou Crésus, le patronyme Rothschild est devenu, au fil des siècles, synonyme d’immense richesse. Comment cette dynastie s’est-elle imposée comme l’une des plus fortunées et influentes au monde ? Récit.

Mauvais départ

Les origines du faste financier de la famille Rothschild ont tout du conte préféré aux États-Unis : un homme, parti de rien, parvient, grâce à sa volonté, à amasser une fortune considérable. Quoi que l’on pense de ce fantasme du « self-made man », il est certain que le fondateur de la famille Rothschild, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’entre pas dans l’existence avec les meilleures cartes en main. Cet homme, c’est Mayer Amschel Rothschild, né en 1743 ou 1744 à Francfort, quatrième d’une fratrie qui sera composée de huit enfants.

Première embûche, sa famille est de confession juive et, au XVIIIe siècle, en Allemagne comme ailleurs en Europe, cette foi n’est pas vue d’un bon œil. À Francfort, tous ceux qui la partagent vivent dans un ghetto nommé « rue des Juifs ». Les conditions de vie y sont terribles, l’endroit est surpeuplé et les règles imposées aux ghettoïsés sont très strictes. « Ils ne peuvent en sortir que certains jours précis, ne faire des allées et venues qu’à certaines heures et ne peuvent faire leurs courses en même temps que tout le monde », détaille la RTBF.

Le sort semble s’acharner sur Mayer qui devient orphelin, en 1756. Pourtant, ce deuil va se muer en coup du destin favorable : pour ne pas s’encombrer de leur petit frère, les aînés de Mayer décident de l’envoyer chez Simon Wolf Oppenheimer, un banquier basé à Hanovre, où les règles envers les Juifs sont plus souples.

Bonne intuition

Après avoir appris à aiguiser son sens des affaires auprès d’Oppenheimer, Mayer revient en 1763 à Francfort. Le vent tourne. Il devient administrateur pour le compte de Frédéric II, prince de Hesse-Cassel, considéré à l’époque comme la plus grosse fortune d’Europe. Devenu une figure respectée du ghetto et amassant petit à petit un sérieux pactole, Mayer passe à la vitesse supérieure : il va prêter une partie de son argent en contrepartie, bien sûr, d’intérêts élevés, notamment à des aristocrates et des gouvernements locaux.

À la fin des années 1770, Mayer est l’un des hommes les plus riches du ghetto et ce sont les conflits de l’époque qui vont lui permettre de définitivement faire fructifier sa fortune. « Dans une Europe ravagée par les guerres napoléoniennes, il crée la société Mayer Amschel Rothschild et fils », explique un article des Échos. « Il spécule, à contre-courant de tous, sur la défaite de Napoléon et la fin de son empire. Il sera également un promoteur du ferroviaire quand peu y croient. »

Une famille en or

Côté vie privée, Mayer ne chôme pas non plus. Il est père de dix enfants, dont cinq fils, qu’il décide d’employer activement pour pérenniser la prospérité familiale et étendre l’empire bancaire Rothschild aux quatre coins de l’Europe. L’aîné, Amschel, est resté à Francfort et ses quatre frères ont établi des succursales à Londres (Nathan), Paris (Jakob, plus tard connu sous le nom de James), Vienne (Salomon) et Naples (Karl). À la fin de sa vie, malgré une richesse conséquente, Mayer vit dans la plus grande sobriété et distribue l’aumône aux démunis de la « rue des Juifs ». Il décède en 1812 et, bien qu’ayant aussi cinq filles, lègue toute sa fortune à ses garçons.

Le saviez-vous ?

Dès le XIXe siècle, le patrimoine collectif de la famille Rothschild est estimé à environ 1 milliard de livres sterling, soit 130 milliards de dollars actuels.

C’est dans les années 1570 que l’ancêtre de Mayer, Isaac, s’inspire du nom de son habitation, « Zum Roten Schild » soit la « maison à l’Écusson rouge », pour créer son patronyme. La pratique était courante, à l’époque, dans la communauté juive qui, faute d’état civil, utilisait adresse, blason ou enseigne ornant les maisons comme nom de famille.

Cet article est paru dans le Télépro du 30/1/2025

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