Ses incursions en Gaule déstabilisent un Empire romain déjà affaibli. Mais plus qu’un guerrier impitoyable, Attila, le célèbre roi des Huns, était surtout un diplomate habile et cultivé.
Alors qu’il est un héros en Hongrie où son prénom est populaire, il est surnommé «le fléau de Dieu» en Occident, où l’on raconte que là où son cheval passait, l’herbe ne repoussait pas.
Attila était-il vraiment ce barbare sans foi ni loi, dont le nom est toujours associé au mal incarné ? Vendredi, «Le Temps d’une histoire» (22.25, La Une) revient sur ce roi des Huns, que les historiens modernes tentent aujourd’hui de réhabiliter.
Pour commencer, qui étaient les Huns, ces «bêtes marchant sur deux pieds» selon l’historien Ammien Marcellin ? Ce peuple nomade, venu des steppes d’Asie centrale, a laissé peu de traces et reste encore une énigme aujourd’hui. Au cours du Ve siècle, les Huns progressent vers l’Occident, jusqu’à la plaine du Danube, d’où ils chassent des tribus germaniques. Sous leur roi le plus célèbre, «le maître de toute la barbarie», ils occupent un vaste empire multiethnique et parviennent à déstabiliser l’Empire romain, divisé et affaibli, avant de disparaître brusquement.
Tuer pour régner
Orphelins, Attila («petit père» en langue goth), né vers 395, et son frère Bléda sont recueillis par leur oncle, le roi Rouga. Ils lui succèdent en 434. Mais, au bout de dix ans de partage, Attila s’accapare le pouvoir en éliminant Bléda.
Si on connaît peu sa jeunesse, l’historien Priscus nous renseigne sur sa cour raffinée pour l’époque. Loin d’être un sauvage analphabète, Attila, cultivé, parle le latin et le grec. Et, pour gouverner, il sait s’entourer. À sa cour, les nobles huns côtoient des chefs de peuples germaniques soumis et des Romains, dévolus aux tâches administratives.
Avide de richesses
Issu d’un peuple de redoutables cavaliers-archers, Attila est-il pour autant un soldat impitoyable ? En réalité, il est meilleur diplomate que conquérant et ne semble pas mû par la soif de conquêtes.
«En matière de politique étrangère, c’est un opportuniste», écrit Bruno Dumézil dans «Un bel animal politique» (Historia). «Ses relations avec l’Empire romain d’Orient n’ont qu’un seul objectif : obtenir le maximum de richesses. Dans la plupart des cas, il se contente donc de prélever un tribut : pour ce faire, il multiplie les ambassades, menace ses interlocuteurs, exige que les clauses des précédents traités soient respectées… Si jamais le versement d’argent s’interrompt, il n’hésite pas à recourir à la guerre. Aussi violente que brève, celle-ci s’achève non sur une conquête mais sur un accord financier plus favorable que le précédent.»
Après avoir envahi à deux reprises l’Empire d’Orient, Attila est appelé à l’aide, en 451, par la sœur de l’Empereur d’Occident, la princesse Honoria, qui lui promet sa main. Il pénètre en Gaule et, fidèle à sa tactique (terroriser pour ne plus avoir à combattre), dévaste Metz, contourne Paris et fonce vers Orléans. Mis en difficulté par le général Aetius à la bataille des champs Catalauniques, il bat en retraite.
L’année suivante, il retente sa chance en Italie, avant d’être arrêté par la diplomatie du pape Léon Ier le Grand, qui le persuade de se retirer, moyennant un tribut.
En 453, Attila meurt d’une hémorragie nasale au cours de sa nuit de noces avec une énième jeune épouse. Sa tombe ne sera jamais retrouvée et son empire, miné par les querelles de ses fils, ne lui survit guère. Contrairement à son mythe forgé par l’Église et les Romains et entretenu par la littérature, la peinture ou le cinéma…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 21/5/2020