Quand Tahiti avait une Reine
Lundi dès 21h10, France 2 consacre sa soirée à Pomare IV, la dernière reine de Tahiti, avec un téléfilm inédit suivi d’un documentaire.
Tahiti, ses vahinés, ses guirlandes de fleurs autour du cou à la descente de l’avion, sa douce chaleur tropicale qui incite à plonger dans les lagons. Gauguin, Brel et leurs chères Marquises. On en viendrait à envier les révoltés du Bounty qui, à la fin du XVIIIe siècle, se mutinent contre le commandant de leur bateau. Certains d’entre eux termineront leur vie dans un cadre paradisiaque dans les bras de leur compagne indigène. Mais là s’arrête le tableau idyllique de ce lointain coin de France que se disputèrent longtemps dans le sang les puissances coloniales.
Pudibonderie britannique
’Aimata voit le jour le 28 février 1813 à Pare, sur l’île de Tahiti. Son nom signifie «manger l’œil», celui qu’autrefois, lors d’une cérémonie rituelle, le souverain avalait, à ceci près qu’il appartenait à l’ennemi qu’il venait de vaincre. Tahiti est alors déjà connue des Européens et sert de port d’attache à certains baleiniers dont les marins pourvoient la population locale en alcool, tout en leur transmettant des maladies jusque-là inconnues.
Le paganisme vit ses dernières heures sous l’impulsion de missionnaires anglais qui, au mépris des traditions locales, imposent le christianisme aux habitants de l’île et obtiennent en 1812 la conversion du père d’Aimata. Les corps nus sont dorénavant recouverts et les couronnes de fleurs interdites. Les Anglais vont jusqu’à imposer une monarchie de type constitutionnel, contrôlée par une assemblée législative.
Reine sous influence
À 9 ans, ’Aimata est mariée à Tapoa, le roi de Bora-Bora. À 14 ans, la voilà reine sous le nom de Pomare IV. Celui-ci évoque la mort de la fille du roi Pomare I er , morte de tuberculose, puisqu’il signifie «tousse la nuit». Ses premières années de règne sont bien compliquées, d’autant que la jeune femme est plus attirée par les cultes traditionnels que par les rigueurs du protestantisme. Elle est remise à la raison par le pasteur George Pritchard, son premier conseiller. La souveraine est aussi confrontée à un effritement de son pouvoir grignoté par des chefs locaux, mais aussi à une certaine forme d’insécurité engendrée par la présence de plus en plus importante d’Européens.
Les missionnaires arrivent !
La France voit d’un mauvais œil la présence anglaise en Polynésie. Elle y envoie ses premiers missionnaires catholiques, rapidement expulsés par Pomare IV. Ce qui entraîne de facto une intervention française en 1842 sous l’impulsion de l’amiral Abel Aubert du Petit-Thouars, qui occupe déjà les îles Marquises. Dorénavant Tahiti est sous protectorat français. Mais un an plus tard, sous l’influence de Pritchard, la Reine se délie de son serment et remplace le drapeau tricolore par les couleurs tahitiennes. La France revient en force quelques mois plus tard et annexe purement et simplement Tahiti, tout en forçant sa souveraine à l’exil.
Tahiti, la française
Le calme ne revient pas pour autant, entraînant la guerre franco-tahitienne qui ne se termine que trente mois plus tard par la prise du fort de Fatahua. Pomare IV est autorisée à revenir. Elle reprend place sur le trône, mais avec un rôle bien réduit par la présence du représentant de la France, confirmant ainsi la mise sous protectorat de l’île. Les Français poursuivront inexorablement leur œuvre en remplaçant tous les missionnaires britanniques par des pasteurs issus de l’Hexagone. La Reine achèvera son règne de cinquante années à sa mort, à l’âge de 64 ans, en septembre 1877. Son fils lui succèdera pour abdiquer trois ans plus tard. Dorénavant Tahiti est une lointaine colonie française. Aujourd’hui, la Polynésie possède le statut de collectivité d’Outre-mer au sein de la République française.
Cet article est paru dans le Télépro du 17/11/2022
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