Histoire : quand le restaurant conquit ses lettres de noblesse
Samedi à 20h35 sur La Trois, « Retour aux sources » analyse l’histoire du restaurant, ce pilier de la vie sociale, festive et professionnelle. À la suite du documentaire, Élodie de Sélys reçoit Juliette Nothomb, autrice et chroniqueuse culinaire… de Télépro.
Juliette Nothomb, la Révolution française a-t-elle développé la culture du restaurant ?
Il a été inventé un peu avant, mais c’est après la Révolution française qu’il a « explosé ». Les grands cuisiniers, qui travaillaient pour les aristocrates, ont perdu leur emploi. Certains se sont mis au service des grands bourgeois, d’autres ont ouvert un restaurant. Auparavant, les auberges proposaient un seul menu, le client n’avait pas de choix. Les restaurants, eux, faisaient manger à la carte. Ce fut là aussi une révolution.
L’histoire de la cuisine belge coïncide-t-elle avec l’histoire de la cuisine française ?
La Belgique n’existait pas quand le restaurant a été inventé au XVIIIe siècle. Notre culture gastronomique est donc d’abord française, même si nous y avons mis largement notre grain de sel. Quand Bruxelles est devenue capitale, en 1830, les restaurants sont apparus pour rassasier les hauts fonctionnaires.
Existe-t-il une cuisine belge spécifique ?
Notre cuisine est calquée sur la cuisine française, pour la méthode et la nature des plats, mais les petites différences sont nombreuses. Par exemple, nous mettons partout à l’honneur les richesses de la mer (crevettes grises, moules…). Certains de nos produits, comme le sirop de Liège, que nous utilisons en sauce, n’ont pas leur équivalent en France. Nous aimons le mélange sucré/salé, que les Français n’apprécient pas. Ils sont offusqués par les pêches au thon ou par l’association du poulet avec la compote !
Il semble que notre façon de servir le repas en plusieurs services vienne de Russie…
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le service à la française consistait à disposer une série de plats sur la table. Le convive devait manger les trois ou quatre plats accessibles à son bras, qu’il s’agisse de plats chauds ou froids, d’entrées ou de desserts, sans pouvoir se servir de l’autre côté de la table. Les Russes, eux, ont inventé les plats servis l’un après l’autre : entrée, plat, fromage, dessert. Cette mode fut importée en France au XIXe siècle et adoptée.
Vous cuisinez beaucoup ?
Énormément ! C’est ma passion depuis l’âge de 16 ans. Je n’ai pas de diplôme d’hôtellerie, mais de l’expérience. Je m’intéresse à toutes les cuisines, de tous les pays. Du reste, il n’y a pas de mauvaise cuisine, juste de mauvais cuisiniers.
D’où vous vient cette passion ?
Quand nous vivions au Japon, et que mon père était diplomate, mes parents recevaient souvent. Qu’il s’agisse de cocktails, de dîners ou de réceptions, ma mère préparait tout elle-même et n’hésitait pas à proposer des préparations typiquement belges. En règle générale, en matière de restauration, les enfants se limitent à ce qu’ils connaissent. Au contraire, nos parents nous ont incités à être curieux, à tout goûter. Ils nous emmenaient au restaurant et nous faisaient apprécier la cuisine locale.
Vous y allez souvent, au restaurant ?
Rarement, mais je n’hésite jamais. C’est un grand plaisir ! Quand on cuisine souvent, on adore se faire chouchouter et laisser les rênes à quelqu’un d’autre… Alors, je profite, sans m’interroger sur la manière dont le cuisinier a procédé
Cet article est paru dans le Télépro du 5/9/2024
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