Provence, l’autre Débarquement

© Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

Le 15 août 1944, les Alliés débarquent en Provence, deux mois après le Débarquement de Normandie. Objectif : prendre les Allemands en tenailles.

Cavalaire, Ramatuelle, Fréjus, Saint-Raphaël, Sainte-Maxime… Ces noms évoquent plus les vacances que la guerre. Pourtant, il y a 80 ans, ces localités varoises ont été assaillies par des centaines de milliers de soldats alliés. Malgré son rôle dans la victoire finale, le Débarquement de Provence a souvent été éclipsé par celui de Normandie, voire parfois oublié.

Dès 1943, les Américains suggèrent l’idée d’un double débarquement en France, l’un au Nord et l’autre au Sud, pour prendre l’ennemi en étau. À la conférence de Téhéran en novembre 1943, Staline accepte le plan, lui qui réclame avec insistance l’ouverture d’un front occidental. Seul Winston Churchill, qui préconise plutôt une percée dans les Balkans, rejette l’idée. Pour autant, Roosevelt, le président américain, opte pour cette opération baptisée «Anvil» («Enclume», en anglais) – mais que Churchill, mécontent, renomme «Dragoon» («dragooned» signifiant «forcé» en anglais).

Rôle majeur des Français

Plus qu’une opération de diversion, ce deuxième débarquement, dirigé par le général américain Alexander Patch, est surtout une opération de soutien à celui de Normandie. Mais faute de bateaux suffisants, la date du second n’est pas alignée sur celle du premier. «Et jusqu’au dernier moment, Churchill tentera, en vain, de dissuader ses alliés américains», écrit André Kaspi dans «L’Épopée de l’armée de Lattre» (L’Histoire). «Britanniques et Américains tombent, malgré tout, d’accord sur un point. Si l’opération Anvil a lieu, les Français tiendront un rôle majeur dans le débarquement.»

Durant plusieurs semaines, l’opération est minutieusement préparée. La Résistance multiplie les actions de renseignement et de sabotage sur les voies de communication. Les pilotes (dont Antoine de Saint-Exupéry) effectuent des missions de reconnaissance, les bombardiers pilonnent les défenses allemandes et les troupes se préparent à embarquer depuis les ports du Maghreb et d’Italie.

Marseille et Toulon

Le soir du 14 août, des messages codés, tels que «Nancy a le torticolis» ou «le chef est affamé», sont diffusés sur les ondes de la BBC et préviennent la Résistance de l’imminence des hostilités. Au petit matin du 15 août, navires, parachutistes et soldats lancent l’assaut sur dix-huit plages, entre Cavalaire et Saint-Raphaël. Sur les 350.000 hommes, 260.000 appartiennent à la première armée française dirigée par le général Jean de Lattre de Tassigny et majoritairement composée de soldats venus d’Afrique du Nord et subsaharienne et de tout l’empire colonial français.

Reprendre Marseille et Toulon, deux ports en eaux profondes dont le contrôle est essentiel pour l’approvisionnement des armées alliées, constitue l’objectif premier. Les soldats allemands sont submergés par l’ampleur et la rapidité de l’attaque. Le 19 août, l’ordre de repli est donné, sauf pour Toulon et Marseille, où les combats se poursuivent plus longtemps. Les résultats alliés dépassent les espérances : Overlord et Anvil se rejoignent au nord de Dijon le 12 septembre, bien plus tôt que prévu. Plusieurs raisons expliquent ce succès : d’une part, les Allemands ont été surpris par le lieu du débarquement ; d’autre part, ils ont dû transférer des forces vers le Nord dans la bataille de Normandie. Ainsi, participant à la libération de la France et aussi à l’approvisionnement de l’armée américaine, le Débarquement de Provence est une réussite. C’est d’ailleurs le général de Lattre qui ratifiera au nom de la France la capitulation allemande le 8 mai 1945.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici