Présidentielle américaine 2020 : l’élection qui valait 11 milliards de dollars !
La campagne présidentielle américaine représente un budget pharaonique, deux fois plus qu’en 2016 ! Le prix de la démocratie aux États-Unis ? Ce jeudi à 22h30 sur La Une, le documentaire «La Démocratie du dollar» mène l’enquête.
Maison Blanche cherche locataire. 5.000 m², 132 pièces, 35 toilettes et salles de bains, parc de 7 hectares, bien située, centre Washington DC. Loyer pour une durée de 4 ans : 11 milliards de dollars. Et ce n’est qu’une première estimation du Center for Responsive Politics !
Comment un tel montant est-il possible ? Pour décrocher le même bail en 2016, les candidats locataires n’avaient déboursé «que» la moitié de cette somme…
Roosevelt, l’opportuniste
Pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, il faut retourner plus d’un siècle en arrière. En 1904, le président Theodore Roosevelt est candidat à sa réélection. Comme le rappelle l’économiste Julia Cagé dans «Le Prix de la démocratie» (éd. Fayard, 2018), pour atteindre son objectif et trouver les moyens sonnants et trébuchants d’y parvenir, ce républicain bon teint retourne plusieurs fois sa veste.
Avant la campagne, il se dit farouchement adversaire de l’intervention des grosses fortunes dans le paysage politique. Pendant la campagne, il découvre soudain que celles-ci peuvent lui donner un joli coup de pouce. Il n’hésite pas à faire appel à des banques, assurances ou compagnies de chemin de fer.
Enfin, après son élection, histoire de redorer un blason terni par sa volte-face, il réinstaure le financement public. En 1907, une loi interdit aux entreprises d’intervenir directement (un terme important) dans le financement des campagnes. Les USA deviennent l’un des premiers pays à promulguer ce genre de loi.
Le Watergate «tue» Nixon
Nouveau tournant en 1972. En pleine campagne présidentielle, des cambrioleurs sont arrêtés dans les locaux du parti démocrate, installés dans l’immeuble du Watergate à Washington. Un fait divers apparemment anodin qui débouche, deux ans plus tard, sur la démission du président Nixon.
Au moment de monter dans l’hélicoptère qui l’emmène loin de la Maison Blanche, il se retourne et adresse de la main un au revoir rageur : la découverte de financements frauduleux de sa campagne a eu sa peau. Le principe de source financière publique (un brin «oublié» en chemin par les candidats) est restauré et les dépenses plafonnées…
Barak casse la baraque
En 2008, grâce à des fonds privés indirects, Barak Obama dépense plus d’un milliard de dollars pour occuper le bureau ovale, nettement plus que les 84 millions autorisés ! Deux ans plus tard, un arrêt de la Cour suprême ouvre les vannes : les entreprises reçoivent le «go» pour entrer dans la danse sans limite de montant. Les conséquences sont immédiates.
En se basant sur les données de la Federal Election Commission, le site Opensecrets.org fait les comptes de la campagne de 2016. «0,01 % des Américains ont financé à eux seuls 40 % de la campagne dans son ensemble, on parle de «méga-donateurs». Et à ce petit jeu, Hilary Clinton s’est montrée la mieux aidée. Et Trump ? Il aurait financé lui-même 20 % de sa campagne…
Petits dons, gros trésor
Cette année, la donne est différente. Selon le site challenges.fr, les petits donateurs (moins de 200 $) ont le vent en poupe. Ils financent 43 % de la campagne de Joe Biden et… 55 % de celle de Donald Trump !
Mais que font-ils de cet argent ? Soigner leur visibilité ! Moins de voyages et de meetings, covid-19 oblige, mais bien plus de présence dans les médias via les pubs politiques «pour attirer de nouveaux donateurs ou inciter les partisans à demander des bulletins de vote par la poste, entre autres».
Médias et réseaux sociaux représentaient plus de la moitié (58,5 %) des dépenses en 2016. Mieux le portefeuille est garni, plus le candidat a de chances d’être élu. Mais encore ? Toujours selon Julia Cagé, depuis 2004 et l’émergence des réseaux sociaux, «le candidat qui a placé la plus grande part de ses dépenses électorales dans ces réseaux a toujours gagné les élections».
La démocratie a donc un prix et celui qui est tenté par la grande bâtisse blanche à 35 toilettes sait comment procéder…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 22/10/2020
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