Premier tango
Vendredi à 23h20 sur France 3, laissez-vous emporter par cette danse qui conjugue sensualité et passion, grâce au documentaire «Le Tango dans tous ses états».
Son nom serait-il associé à l’endroit où le négrier parquait les esclaves qu’il avait raflé en Afrique avant de les emporter vers les Amériques ? Peut-être ! En tout cas, le mot «tango» vient bien de la communauté noire qui va peupler, malgré elle, l’Amérique latine. Les Noirs furent nombreux sur les rivages du Río de la Plata qui sépare aujourd’hui l’Argentine de l’Uruguay et leurs deux capitales, Buenos Aires et Montevideo, très proches à vol d’oiseaux.
S’ils disparaissent mystérieusement, leur musique et leur danse leur survivent miraculeusement pour former la base du tango qui va se développer à la fin du XIXe siècle.
Rapprochement des corps
Au début, aucun code précis ne régit cette danse et pour cause, puisque le terme même de tango désigne encore un ensemble de multiples formes d’expression musicale et corporelle. Certes, les Noirs ne pratiquent pas les danses en couple alors que les Européens, avec la mazurka ou la polka, favorisent les rapprochements physiques entre les sexes. Le tango devient alors le point de rencontre de deux cultures.
Quant à la musique qui le rythme, elle allie les origines italiennes ou espagnoles de celles et ceux qui la jouent avec des accents afro-américains. Mais finalement, tout cela est si flou que le tango en devient nomade et est associé au voyage à tel point qu’il traverse l’Atlantique pour encanailler la société française.
À son propos, le célèbre Georges Clémenceau note : «On ne voit que des figures qui s’ennuient et des derrières qui s’amusent.» Si le tango finit par conquérir la société parisienne et à s’embourgeoiser en sortant des tripots glauques où il avait d’abord trouvé refuge, il revient sur ses terres natales, nanti d’une réputation moins sulfureuse, pour être adopté par toutes les classes sociales. C’est d’ailleurs dans ses deux pays d’origine que le tango continue à se développer, alors qu’il est boudé en Europe après la crise de 1929.
L’âge d’or
Dès les années 1930, le tango se veut plus lent en s’associant au rythme des milongas, des soirées dansantes ou des bals, et des valses, c’est la période de la Vieille Garde. Mais il se chante aussi davantage sous l’impulsion de son célèbre chanteur, Carlos Gardel.
Dix ans plus tard, le tango se réveille en accélérant le tempo tout en se diversifiant. L’engouement ne connaît plus aucune limite. En 1950, Buenos Aires recense plus de six cents orchestres qui n’arrêtent pas de se produire à travers le pays. Les stades de football deviennent des pistes de danse accueillant jusqu’à quinze mille couples et l’on cite même un compositeur argentin qui détiendrait le plus grand nombre d’enregistrements au monde.
Survivre aux troubles
L’âge d’or du tango sera éphémère, notamment avec l’arrivée de nouveaux genres musicaux, principalement du rock’n’roll et sa suite de groupes mythiques, Beatles et Rolling Stones en tête. Mais aussi avec les trente ans d’instabilité politique, de populisme avec le couple Perón, de dictature militaire sanglante qui verront des milliers d’Argentins assassinés. Le point d’orgue de cette période chaotique étant la fameuse guerre des Malouines opposant l’Argentine à la Grande-Bretagne.
Il faut attendre les années 1980 pour que le tango refasse surface en devenant plus populaire que jamais, même si depuis le début du nouveau millénaire, on constate un léger essoufflement. Le tango devient aussi un outil économique appréciable, créant pour de nombreux Argentins la possibilité d’exercer leur métier de professeur de danse parfois bien loin de chez eux. Mais nul doute que le dernier tango à Paris ou ailleurs n’est pas pour tout de suite et nul ne s’en plaindra.
Texte : Hervé Gérard
Cet article est paru dans le Télépro du 5/5/2022
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