Préhistoire : aux sources de la musique
Loin de se limiter à la peinture, l’homme préhistorique a aussi inventé de mélodieux instruments.
Au XIXe siècle, Charles Darwin voyait la naissance de la musique comme une énigme. «L’aptitude à produire des notes musicales, la jouissance qu’elles procurent n’étant d’aucune utilité directe dans les habitudes de la vie, nous pouvons ranger ces facultés parmi les plus mystérieuses dont l’homme soit doué», notait le naturaliste.
Encore aujourd’hui, les chercheurs (tout comme Arte samedi dès 20h50 avec les documentaires «Sapiens, et la musique fut» et «À la recherche de la musique de l’Antiquité») tentent de remonter aux origines de la musique. Forme d’art éphémère difficile à appréhender, la musique est pourtant attestée dans les sociétés paléolithiques. Hormis des vestiges en os, pierre ou ivoire, peu d’instruments préhistoriques ont été retrouvés. Et pour cause, beaucoup étaient sans doute composés de matières périssables : tambour en bois et en peau, trompette en corne ou en écorce, etc.
Très anciennes flûtes
À ce jour, les plus vieux instruments connus fabriqués par l’Homo sapiens sont des flûtes. Découvertes dans la grotte de Hohle Fels (Jura allemand), celles-ci – en os de vautour, de cygne et en ivoire de mammouth – datent d’environ 40.000 ans avant notre ère. Nos ancêtres utilisaient aussi des sifflets en phalange de renne, des rhombes qu’ils faisaient tournoyer comme les aborigènes, des racleurs en os ou en bois de cervidé, et des lithophones (percussions sur des pierres).
Par ailleurs, les premiers hominidés utilisaient probablement un instrument toujours à disposition : leur voix. À ce sujet, le musicologue Iégor Reznikoff a fait une découverte étonnante. Dans des grottes des Pyrénées françaises, il a mis en évidence des taches rouges intriguant les préhistoriens.
Grâce à des expériences sonores, il a constaté qu’à l’endroit précis des taches, la résonance du son était démultipliée ! La découverte de ces marqueurs acoustiques donne aux grottes ornées une nouvelle dimension, celle d’un théâtre où se pratiquaient, en plus de la peinture rupestre, chant et musique.
Grecs mélomanes
Au cours de l’Antiquité, les notes de musique résonnaient aussi aux quatre coins du bassin méditerranéen. «La musique fait partie intégrante de la vie grecque ; c’est un élément essentiel de tous les événements religieux publics, des banquets et des réunions en société», écrivent Ginette-Anne et Michel Pauliat dans «Civilisations grecque et romaine» (Ellipses). Des concours musicaux sont organisés et tous les jeunes hommes apprennent le chant et la lyre, au même titre que les lettres ou les mathématiques.
«Contrairement à la Grèce, la musique à Rome n’est pas un élément essentiel de l’éducation aristocratique», poursuivent les auteurs, «et, d’une manière générale, la musique, en tant qu’art, était considérée avec un léger mépris tout comme les musiciens.»
Pour autant, la musique accompagnait les prières, sacrifices, défilés triomphaux et autres processions. Si l’iconographie, les instruments et les écrits attestent de l’omniprésence de la musique à cette époque, les chants, les rythmes et les mélodies ont sombré dans l’oubli. À l’exception toutefois de quelques partitions du monde grec…
C’est le cas de l’épitaphe de Seikilos, une stèle découverte en Turquie et considérée comme «la plus vieille chanson du monde». Le texte a pu être déchiffré grâce aux tables d’Alypius, un texte antique copié au Moyen Âge et livrant les clés du complexe système grec de notation musicale comptant 1.687 caractères ! Grâce à l’essor de l’archéologie musicale, les rares airs ressurgis du passé peuvent à nouveau être joués et nous offrir une idée de la musique qui bouleversait les hommes d’il y a deux ou trois mille ans…
Cet article est paru dans le Télépro du 24/7/2021
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