Précieuses eaux sales

L’analyse des eaux usées permettrait de prévenir les épidémies © Arte/Bilderfest

Les eaux usées cachent bien des secrets… En les analysant, on peut démasquer des criminels et prévenir les épidémies.

Je prends une douche, tu laves le linge, il fait la vaisselle, nous tirons la chasse… À chacun de ces petits gestes du quotidien, ce sont des litres d’eau qui partent dans les canalisations, s’écoulent dans les égouts et finissent dans les stations d’épuration.

Les eaux usées ont mauvaise réputation. Sales, polluées, peu ragoûtantes. Et pourtant… Elles sont très précieuses pour les scientifiques. Car elles révèlent plein de choses sur la population, sa santé, ses habitudes de consommation… Samedi à 22h20, Arte plonge en eaux troubles avec le documentaire «Eaux usées : cocktail toxique ou précieux ?».

Odeurs pestilentielles

Le Belge consomme en moyenne 96 litres d’eau par jour. Il y a trente ans, c’était 25 litres de plus ! Dans l’intervalle, nous avons pris conscience de la valeur de l’or bleu et les appareils électroménagers ont été conçus pour être plus économes.

Il y a trois cents ans, c’était encore une autre histoire… À l’époque, on n’avait encore inventé ni l’eau courante ni l’évacuation des eaux usées. Chacun déversait son pot de chambre dans le caniveau et tout cela finissait dans les cours d’eau. Avec les odeurs pestilentielles qu’on imagine, mais surtout, avec un terrible impact sanitaire.

Les eaux sales ont joué un rôle considérable dans la propagation des grandes épidémies. Il faut attendre le XIXe siècle pour que les villes commencent à s’équiper d’égouts. Et la seconde moitié du XXe pour que ces égouts mènent à des stations d’épuration.

Résidus de vie

Objectif des stations d’épuration : assainir l’eau avant de la rendre à la nature. Mais certains scientifiques prélèvent d’abord des échantillons d’eau sale car elle recèle toutes sortes de résidus témoignant de la vie des gens qui l’ont utilisée. Notamment des résidus chimiques, des détergents, des médicaments…

Une étude comparative révèle ainsi que les résidus de paracétamol sont trois fois plus élevés dans les eaux usées de Paris que dans celles de Berlin. Pourquoi ? Parce que jusqu’au 15 janvier 2020, le paracétamol était en vente libre en France, alors qu’il fallait une ordonnance pour s’en procurer en Allemagne.

À l’inverse, on trouve dans les eaux berlinoises bien plus de traces de lidocaïne. Explication ? Cet anesthésiant est la drogue à la mode chez les rappeurs allemands.

Typhus, peste, choléra

Les eaux usées pourraient donc être utilisées par la police pour remonter jusqu’aux labos clandestins qui fabriquent des drogues de synthèse ou des explosifs. Pour l’instant, elles sont principalement surveillées pour pister les maladies. L’analyse de germes fécaux permet, par exemple, de suivre une épidémie de gastro.

Au plus fort de la crise du covid, les scientifiques se sont aussi penchés sur les eaux usées pour tenter d’y trouver un indicateur épidémiologique. Bien qu’elles ne fassent pas l’unanimité, ces recherches coordonnées par Sciensano ont permis de voir arriver la deuxième vague.

Étonnant clin d’œil de l’histoire : les eaux usées qui ont jadis provoqué la peste, le typhus ou le choléra pourraient permettre de se prémunir des grandes épidémies de l’avenir.

Un cycle infini

Notre planète bleue est recouverte à 72 % d’eau. Soit un volume total de 1,4 milliard de km3. Ce volume est le même depuis des milliards d’années. Il fonctionne en circuit fermé depuis que le monde est monde. L’eau des mers s’évapore, forme des nuages, retombe sur terre sous forme de pluies, alimente les nappes phréatiques, est parfois utilisée par l’homme, puis retourne dans les rivières et dans les mers. Comme le chantait Sardou : c’est toujours la même eau qui coule.

Cet article est paru dans le Télépro 24/3/2022

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