Plouc, bigoudène et chapeau rond : les clichés abondent sur les Bretons

Image extraite du documentaire «La Grande histoire de la Bretagne» (France 3) © France 3/GP archives/Collection Pathé
Giuseppa Cosentino Journaliste

Ils sont souvent moqués en France ou ailleurs. D’où viennent les préjugés qui… collent aux sabots des habitants de cette magnifique péninsule ? Ce mercredi à 21h10, France 3 diffuse le documentaire «La Grande histoire de la Bretagne».

«Ils ont des chapons ronds. Vive les Bretons !», s’amusait Carlos dans une chanson paillarde de 1976. Quant à Bécassine, la paysanne bretonne un brin simplette de la BD, elle ne fut pas la cousine de tout le monde… Plus d’un siècle après sa naissance en 1905, elle continue de diviser. Des clichés péjoratifs, les Bretons en ont plein la besace ! Ils ont traversé le temps et les frontières, puisque même nous, nous y adhérons, parfois à notre insu. Qui n’a jamais qualifié quelqu’un de «plouc» ou été victime de pareille boutade ? Eh bien, ce nom d’oiseau, aussi, est originaire… de Bretagne ! Le documentaire de France 3 retrace l’histoire de l’ancienne péninsule celtique qui, de tous temps et au gré des idées reçues, a lutté farouchement pour sauvegarder sa culture et ses spécificités.

Mépris des écrivains

Connue des Anciens sous le nom d’Armorique («armor» signifiant la mer en celtique), la péninsule bretonne, de par sa situation excentrique, conserve mieux que quiconque ses racines. Au milieu du XIXe siècle, l’idée d’une terre reculée séduit le courant romantique en quête d’exotisme. Flaubert et son ami, Maxime du Camp, viennent y passer des vacances. Mais ils vont vite déchanter. Si l’auteur de «Madame Bovary» semble éprouver de la sympathie pour un peuple «qui porte la fierté de sa race», il se désole qu’au village de Locmariaquer «on ne parle plus le français»… Victor Hugo s’offusque quant à lui de «la grossièreté des Bretons» qu’il compare à des «porcs» ! Même constat, deux siècles plus tôt, pour la marquise de Sévigné – qui avait pourtant épousé un noble breton -, jugeant les femmes «sottes» et les hommes «négligés», «alcooliques» et nécessitant «d’être pendus pour apprendre à parler»… Tant de propos peu élogieux ayant contribué à forger l’image négative des Bretons…

Un vrai plouc

La réputation du Breton s’illustre jusque dans notre vocabulaire fleuri : «plouc». À la veille de la Première Guerre, environ 200.000 paysans bretons sans le sou viennent tenter leur chance à Paris. Dans la capitale, ces expatriés sont perçus comme de rustres campagnards au français écorché. Quand on leur demande d’où ils viennent, ils répondent, à chaque fois, par un nom de localité commençant par «plou» («paroisse» en breton). Le terme «plouc» s’impose en 1880 et constitue une moquerie. Selon l’écrivain breton Jean Rohou, «il y aurait plus de 125 communes commençant par « Plou » ou « Plo » en Bretagne». Et d’ajouter : «Ce terme insultant est passé dans le langage courant et ne désigne plus les Bretons…»

Bécassine

L’héroïne de la BD «Bécassine» n’a jamais été appréciée des Bretons. Et pour cause : elle serait un cliché avilissant et rappellerait le passé douloureux d’une Bretagne pauvre. La sortie du film de Bruno Podalydès en 2018 a ravivé les blessures. Et la colère du collectif Dispac’h («révolution» en breton) ! «Ce n’est pas la qualité du film que l’on remet en cause», explique son porte-parole Ewan Thébaud. «Mais l’utilisation du symbole de Bécassine. Pour le peuple breton, c’est insultant et méprisant.»

Porter le chapeau

Lorsqu’on vous dit «breton», vous imaginez immédiatement un chapeau rond ? Encore un cliché ! Ce couvre-chef noir est purement folklorique. Avant la Révolution, il était réservé à la noblesse et au clergé avant de devenir un accessoire de cérémonie ou de fête. Tout aussi populaire : la coiffe bigoudène, en dentelles et haute d’une trentaine de centimètres, que les dames arborent fièrement. C’est elle qui s’est imposée dans l’iconographie contemporaine, annexant la diversité des coiffes historiques, dont celle de la cousine Bécassine. Selon la légende, cet ornement remonterait au XVIe siècle. Louis XIV ayant augmenté ses taxes, les Bretons, furieux, décidèrent de se rassembler dans les clochers des églises. Pour éteindre la rébellion – appelée «révolte du Papier timbré» -, le Roi fit couper les clochers. En signe de protestation, les Bretonnes auraient porté ces grandes coiffes symbolisant les clochers décapités. En réalité, on ne retrouve la trace de ces hautes coiffures qu’au XXe siècle… Mais leur mythe participe au folklore, comme à la caricature !

Cet article est paru dans le Télépro du 28/5/2022

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