Philippines : permis de tuer… légal !
Le président philippin appelle à abattre tous les toxicomanes du pays. La presse est aussi visée…
Ce sont des images glaçantes. L’homme et la femme se font face pour une interview filmée. Lui c’est Rodrigo Duterte, candidat aux élections présidentielles de son pays, les Philippines. Elle, c’est Maria Ressa, journaliste star de Rappler, un média local. «Je vais mettre fin à la criminalité», affirme le candidat. «Et si je dois vous tuer pour ça, je le ferai de mes mains», ajoute-t-il en regardant la journaliste droit dans les yeux. «Écartez-vous de mon chemin. Ça va saigner.»
Quelques semaines après cette interview, en mai 2016, Duterte remportait une écrasante victoire à la présidentielle. Et il allait tenir ses promesses… À découvrir ce mardi à 22h25 sur Arte, dans un documentaire plus angoissant qu’un thriller : «Permis de tuer aux Philippines».
30.000 morts
Ancien avocat, Duterte, a 71 ans lorsqu’il accède à la présidence des Philippines. Son premier objectif : faire la guerre aux dealers et aux consommateurs de drogue. «Je vous tuerai !», tonne-t-il dans son discours d’investiture.
Dès la nuit suivante, les exécutions commencent. La police descend dans les quartiers et abat les toxicomanes sans autre forme de procès. Des tueurs à gage sont également engagés pour faire le boulot. Et chaque citoyen sait qu’il est autorisé à tuer si l’occasion se présente.
Assassin
En janvier 2017, six mois après l’entrée en fonction de Duterte, les statistiques officielles font état de 7.000 morts. Fin 2019, on estime que les victimes sont entre 25 et 30.000. Duterte se compare fièrement à Hitler et affirme avec le sourire qu’il sera heureux de massacrer 3 millions de personnes s’il le faut.
Début 2018, la Cour pénale internationale de La Haye ouvre une enquête. Duterte s’en moque, affirmant que cette politique est bonne pour son pays et que le peuple le soutient. En mai 2018, le parti de Duterte confirme en effet son imposante majorité lors des élections de mi-mandat.
Si j’te croise, j’te descends
Sur sa route, le président philippin ne trouve qu’un ennemi : les médias. S’il a réussi à faire taire la plupart d’entre eux, il reste Rappler, un média online gratuit auquel les Philippins peuvent avoir aisément accès. «Vos articles sont des fake news !», hurle Duterte en conférence de presse à l’adresse d’une jeune journaliste de Rappler. Avant de la menacer : «Comme je dis à mes ennemis : « Fils de pute, si j’te croise, j’t’en colle une. T’auras de la chance si j’te descends pas. Ordure. Pourriture. « »
C’est la fondatrice du média, Maria Ressa, qui est surtout visée par Duterte. Fin 2018, avec quelques autres journalistes martyrs parmi lesquels le Saoudien Jamal Khashoggi, elle est élue Personnalité de l’année par le Time. Alors qu’elle rentre des États-Unis où elle est allée chercher son prix, elle est arrêtée à l’aéroport de Manille. Intimidation parmi d’autres. Mais malgré sa silhouette fluette, Maria Ressa est courageuse. Elle sait que les réseaux sociaux appellent à la violer et à la décapiter, mais rien ne la fera lâcher prise : «Les journalistes ont toujours été les gardiens des faits. Nous n’allons ni nous dérober, ni nous cacher. Nous allons tenir tête.»
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 14/5/2020
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