Pétrole : un monde de brut !
Ce mardi à 20h50 avec le documentaire «Pétrole, une histoire de pouvoir», Arte sonde les composantes de l’or noir : fortunes, pouvoir, guerres, corruption… Toute une soirée aux essences troubles !
«Il guérit des humeurs bileuses, de la galle, des indigestions et surtout… des ongles incarnés !». Debout sur le marchepied de sa roulotte, le camelot endimanché harangue les villageois du Far West. À la main, une fiole remplie d’un liquide brunâtre : le prétendu précieux remède miracle est en réalité du pétrole ! En quelques planches, la formidable BD de Morris et Goscinny, «À l’ombre des derricks» (1962) raconte les débuts de la course à l’or noir. Une caricature aux traits à peine forcés.
Ouest gorgé d’or noir
Au milieu du XIX e siècle, le pétrole percole à la surface des champs de l’Ouest américain et est utilisé comme remède aux vertus surtout imaginaires. Les investisseurs au nez fin tirent plus vite que leur ombre les liasses de billets de leurs portefeuilles et s’offrent des concessions et puits de forage qui font tomber dans leurs escarcelles une pluie de dollars.
Idée lumineuse
Le 27 août 1859, l’ex-conducteur de train Edwin Laurentine Drake pose pour la postérité en redingote et chapeau haut de forme devant ce que l’histoire considère généralement comme la première tour de forage (malgré des précédents en Europe de l’est). Le système qu’il a mis au point permet de faire jaillir du pétrole caché à 23 m de profondeur. Comme le rappelle l’encyclopédie Universalis, Drake ne réussit pas à faire breveter son invention mais grâce à elle, l’extraction du pétrole se répand comme un robinet ouvert. Elle enrichit considérablement les villes alentours et leurs exploitants : le précieux liquide remplace désormais l’huile de baleine comme combustible pour l’éclairage.
Riche tel Rockefeller
La fulgurante ascension de la plus importante industrie de la planète commence. Un nom la symbolise : John Davison Rockefeller (1839-1937). Aux États-Unis, lui et quelques autres créent de grandes compagnies qui structurent l’exploitation pétrolière et lui donnent sa puissance. Celle de Rockefeller s’appelle la Standard Oil Company of Ohio. L’homme d’affaires en fait la plus puissante du monde.
Les capitaux colossaux dégagés sont immédiatement réinvestis. Les hommes de Rockefeller créent des équipements et utilisent des moyens de transport permettant d’exploiter les gisements dans les coins les plus inaccessibles.
Au début du XXe siècle, l’Américain est considéré comme le premier et seul milliardaire de la planète. La puissance financière du pétrole lui confère une dim/ension politique extraordinaire dans les pays producteurs et consommateurs.
Nerf de la guerre
«Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations», disait l’ex-secrétaire d’État américain et prix Nobel de la paix Henry Kissinger, âgé aujourd’hui de 98 ans. Le pétrole, et le souci des grandes puissances de le contrôler, est retenu comme l’un des facteurs explicatifs des deux guerres mondiales.
Crise du pétrole en 1973, effondrement de l’Union soviétique, arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan, invasion de l’Irak… : «Encore l’or noir !», pour l’économiste et géopoliticien William Engdahl. Mais pour combien de temps cette matière première indissociable de notre mode de vie, sera-t-elle encore synonyme de pouvoir ?
Des jours comptés
À l’heure actuelle, sa production mondiale est estimée à 95,62 millions de barils par jour (1.107 barils/seconde) et les USA sont devenus les premiers producteurs mondiaux en 2014 grâce au pétrole de schiste. Pour les plus pessimistes, le pic d’extraction se situe maintenant. Les plus optimistes estiment, eux que les réserves permettront d’atteindre la fin du siècle. Et après ? Charbon, gaz, nucléaire, hydrogène, énergies renouvelables : les pistes sont nombreuses. Pour l’instant, elles ne font pas encore d’ombre aux derricks…
Cet article est paru dans le Télépro du 16/9/2021
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