Paganini : les cordes du diable
Paganini était un virtuose du violon. À tel point que certains l’ont soupçonné d’avoir pactisé avec le diable…
Quand on évoque la conception d’un violon, on songe d’abord au luthier. Mais l’instrument ne serait rien s’il n’y avait aussi le savoir-faire du cordier. Car c’est d’abord des cordes et de leurs vibrations que dépend la sonorité du violon. Dimanche à 23h20 avec le documentaire «Le Secret de Paganini», Arte s’intéresse à ces quelques grammes de boyaux qui font le bonheur des mélomanes. Et à un homme qui les maîtrisa comme personne : Paganini.
Le chant des anges
«J’entendis le chant des anges», dit Schubert en sortant d’un concert de Paganini. «Son art est un prodige hors nature», écrivit Chopin. Élisa Bonaparte, la sœur de Napoléon, ne les aurait pas contredits : elle s’évanouit un jour d’émotion en entendant Paganini au violon… Mais qui était donc ce musicien hors du commun ?
Niccolò Paganini naît à Gênes, en 1782. Son père, qui gratte un peu la mandoline, a décidé de faire du gamin un violoniste. Dès son plus jeune âge, il le contraint à travailler l’instrument dix heures par jour. Les résultats sont rapidement impressionnants. Bien que le garçon soit issu d’un milieu modeste, il attire les meilleurs professeurs de son temps, vite dépassés par son talent. Paganini est un virtuose hors du commun. Certains considèrent que c’est le plus grand violoniste de tous les temps. Une chose est sûre : il y eut un avant et un après Paganini. Car il fit sortir de ses violons des sonorités jamais entendues auparavant. Il pouvait jouer sur une seule corde ou faire un exceptionnel pizzicato de la main gauche
Des boyaux de femme
Comment expliquer un tel talent ? Aujourd’hui, il est établi que Paganini souffrait du syndrome de Marfan. Cette maladie occasionne des troubles musculo-squelettiques, de sorte que les doigts de l’artiste étaient d’une élasticité extraordinaire. Mais le syndrome de Marfan était inconnu à l’époque. Le corps un peu biscornu de Paganini et son jeu exceptionnel suscitaient la curiosité, mais personne ne pouvait y apporter une explication rationnelle. L’irrationnel prit donc le dessus… Paganini fut rapidement surnommé «le violoniste du diable». Il se disait qu’il avait conclu un pacte avec le démon pour jouer aussi bien. Il se racontait aussi que si son instrument avait de telles sonorités, c’est qu’il utilisait pour cordes les boyaux d’une de ses maîtresses qu’il aurait trucidée… Paganini avait une vie quelque peu dissolue, mais ce n’était pas un assassin. Toutes ces rumeurs lui vaudront pourtant de ne pouvoir être enterré à l’église. Mort à Nice en 1840, il ne sera inhumé à Parme qu’en 1845 !
Jetés au violon
Les cordes de Paganini avaient pourtant un secret… Désormais fabriquées en matière métallique ou synthétique, les cordes de violon étaient jadis confectionnées en boyaux naturels. Des boyaux d’ovins ou de bovins, que des gamins vidaient avant que le maître cordier ne les travaille. C’est à Rome que l’on trouvait la plus grande corporation de cordiers d’Europe. Car l’Église était leur principal client. Un peu plus au sud, les cordiers de Naples et des Abruzze étaient également réputés. Ils travaillaient directement les boyaux des ovins élevés dans le coin. De Vienne à Varsovie, où qu’il se produise, Paganini transportait toujours avec lui une malle de cordes d’Italie. Le savoir-faire des cordiers italiens était tellement précieux que s’ils divulguaient leurs secrets de fabrication, ils avaient la main tranchée avant d’être jetés… au violon !
Cet article est paru dans le Télépro du 23/2/2023
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici