Ostracisme : quand les Grecs payaient les pots cassés !

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Pour exiler un individu dangereux pourla démocratie antique, les citoyens votaientsur des tessons d’argile.

Alleï, fieu, dis ! «Le Mariage de Mademoiselle Beulemans», tu connais pas ? Une comédie en trois actes de Fernand Wicheler et Frantz Fonson qui fait rigoleï se mareï depuis 1910 et que ça n’est pas fini de continueï. Un «classique» du théâtre bruxellois avec ses répliques cultes servies par des peïs vraiment tofs. Avec son accent brusseleer, sa zwanze et ses yeux ronds comme des soucoupes, Monsieur Beulemans nous sert un des monuments de la pièce. «Ostracisme… Dexterniteï… Ouille, ouille, je n’êêêêêême pas ce garçon…». Dans la salle, fieu, on rigole bien de ces carabistouilles. Maintenant, fini de rire. Qui connaît l’origine du terme «ostracisme» et ce qu’il signifie ? Vous allez voir, ça n’a rien de comique.

Une histoire de poterie

Voyage dans l’espace et le temps. Nous sommes en Grèce au Ve siècle av. J-C. À Athènes, l’assemblée populaire se réunit une fois par an pour décider si oui ou non une procédure appelée «ostracophorie» doit être organisée. Il s’agit d’une mesure préventive visant un citoyen censé représenter un danger potentiel pour la cité, souvent un individu soupçonné de vouloir instaurer à son profit la tyrannie dont les Athéniens s’étaient débarrassés au moment des «réformes» menées par Clisthène en – 508. En cas de décision positive, les demos (peuple ordinaire) sont appelés à l’agora. Ils doivent y décider le bannissement Pour voter, il leur faut graver le nom de la personne sur un tesson de poterie, un ostrakon (ou ostracon).

Dix jours pour tout plaquer

La personne qui a recueilli le plus de voix (il en faut au moins 6000) est alors ostracisée. Elle a dix jours pour quitter la ville et ne plus remettre les pieds dans la région de l’Attique pendant dix ans. Pour l’Encyclopédie de l’Histoire du monde, «l’ostracisme (ostrakismos) était l’exemple suprême du pouvoir du peuple ordinaire». Cela n’empêcha pas certains populistes de tenter d’orienter les votes contre des adversaires politiques. L’ostracisme antique voté grâce à un ostracon a disparu. Le terme est resté. Sa signification a évolué.

Néo ostracisme

En psychologie, pour le professeur américain Kipling Williams, le mot « »ostracisme » désigne un comportement, plutôt implicite, de distanciation, d’ignorance ou d’indifférence, à distinguer du rejet, désignant une mise à l’écart explicite». C’est le traditionnel exemple de celui qui n’est choisi par aucune équipe pour participer à un jeu, qui n’est pas invité à une soirée d’anniversaire ou un mariage. Il y a gros à parier que celui ou celle qui, systématiquement, ne répond pas à vos mails ou SMS souhaite vous ostraciser. Dans tous les cas, le portail Cairn.info consacré aux sciences humaines et sociales précise que «l’ostracisme est un comportement subi, non choisi». Et prend parfois des allures de punition qui vient toucher notre besoin d’appartenir à un groupe. Douleur morale, stress : les conséquences psychologiques sont multiples, «l’ostracisme constitue une menace majeure pour le bien-être de l’individu». Tout cela nous emmène bien loin des éclats de rire du «Mariage de Melle Beulemans», hein, fieu !

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