Oscar Wilde piégé par un roman
En publiant «Le Portrait de Dorian Gray», Oscar Wilde a scellé son destin.
Dorian Gray est un jeune dandy londonien d’une grande beauté. Le jour où un peintre lui tire le portrait, il fait un vœu : que ce tableau vieillisse à sa place. Ainsi doté de la jeunesse éternelle, Dorian peut se lancer dans la vie à corps perdu. Toujours à la recherche de nouvelles sensations, de nouvelles transgressions…
Telle est l’histoire du «Portrait de Dorian Gray», d’Oscar Wilde. Ce mercredi à 22h30, dans la série «Les Grands romans du scandale», Arte revient sur ce chef-d’œuvre de la littérature. «C’est un livre doublement prémonitoire», affirment les auteurs du documentaire. «Il annonce notre narcissisme contemporain et le destin tragique de son auteur.»
Shocking
Oscar Wilde est un jeune dandy irlandais d’une grande beauté… Son «Portrait de Dorian Gray» pourrait passer pour un conte fantastique, mais en 1890, dans une Angleterre victorienne pétrie de morale puritaine, le récit est subversif. Il dénonce l’hypocrisie des apparences. Il oppose aussi le plaisir à la vertu.
Au fil des pages, Wilde lance des aphorismes comme autant de piques aux conventions bourgeoises de son temps. Dont celui-ci, qui est resté célèbre : «Le seul moyen de résister à une tentation, c’est d’y succomber.» Peu de gens ont lu le «Portrait de Dorian Gray», mais tout le monde en parle.
Le livre est jugé immoral. D’autant que Dorian et le peintre entretiennent une relation ambiguë. Serait-ce de l’homosexualité ? Oscar Wilde lui-même serait-il homosexuel ? À l’époque, c’est interdit par la loi. Wilde s’en moque. D’abord, il adore qu’on parle de lui – en bien ou en mal, peu importe. Ensuite, il est marié et père de deux jeunes enfants – ce qui devrait le mettre à l’abri des rumeurs. Enfin, il enchaîne les succès au théâtre – devenant ainsi riche et célèbre.
Travaux forcés
Enivré par le succès, Oscar Wilde cède au même engrenage que son personnage : une vie de plaisirs, dont il ne veut pas envisager les risques et les conséquences. En 1892, il entame une liaison avec lord Alfred Douglas, un jeune aristocrate de vingt ans son cadet.
Dénoncé par le père d’Alfred, Oscar Wilde est traîné devant les tribunaux pour homosexualité. La justice n’a pas grand-chose de concret dans le dossier, sauf «Le Portrait de Dorian Gray». Publié cinq ans auparavant, le livre devient une pièce à conviction. Les magistrats reprochent à Oscar Wilde ce que dit et fait Dorian Gray, comme s’il avait lui-même dit et fait ces choses pour de vrai. L’auteur répète que son roman est une fiction, mais il est piégé.
Le 25 mai 1895, Oscar Wilde est condamné à deux ans de travaux forcés pour «grave immoralité». C’est la peine maximale prévue par la loi. Libéré en mai 1897, Wilde a tout perdu. Sa femme et ses enfants, humiliés publiquement, ont été contraints de changer de nom et de s’exiler. Lui-même, ruiné, décide de partir pour Paris. Il y mourra en 1900, seul, dans une misérable chambre d’hôtel. Il avait 46 ans.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 15/10/2020
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici