ORTF : à quoi ressemblait la télé française des années 60 ?

Michel Drucker était déjà là à l'époque de l'ORTF ! © France 3
Alice Kriescher Journaliste

Diffusé ce vendredi à 21h05 sur France 3, le doc «ORTF – Ils ont inventé la télévision» revient sur l’incroyable saga de l’Office de radiodiffusion télévision française, aussi baptisé «télé du général». Souvenirs…

Créé pour moderniser la radio et la télé française, l’ORTF a été imaginé, désiré, contrôlé par Charles de Gaulle et articulé par son ministère de l’Information. Entre le monopole d’État sur les ondes, les émissions cultes, les scandales et intrigues politiques, découvrez l’histoire à rebondissements de la télé du général.

Naissance d’un «monstre»

En 1949, la RDF, radiodiffusion française, se mue en RTF, Radiodiffusion-télévision française. Ce nouveau nom marque l’arrivée de ce média tout récent. Nos voisins français découvrent, en juin 1949, le premier JT, à ce stade sans présentateur. Une redevance audiovisuelle de 4.000 anciens francs est instaurée pour les quelque 3.000 heureux possesseurs d’un poste.

Au début des années 1960, les audiences du petit écran sont mauvaises, peu de foyers en sont pourvus. À la même époque germe l’idée d’octroyer une plus grande autonomie à ses concepteurs. Une nouvelle indépendance toute relative car au lieu d’être placées sous l’autorité du ministre de l’Information, comme c’était jusque-là le cas, radio et télé passent sous sa tutelle. Le progrès est mince. Chaque jour, le contenu des émissions est contrôlé par le Service de Liaison d’Information interministériel, créé en 1963.

Pour marquer le coup, il faut toutefois changer de nom et d’identité visuelle. Ainsi, le 25 juillet 1964, à 20 h, les Français découvrent sur leur TV le sigle ORTF. L’Office de radiodiffusion télévision française comprend deux chaînes de télé et quatre stations de radios. But annoncé : «satisfaire les besoins d’information, de culture, d’éducation et de distraction du public». En sous-texte : augmenter les audiences en modernisant l’offre. Pari réussi.

«Dans les années 1960, l’ascension est fulgurante ! La télé devient de plus en plus accessible», détaille le site lumni. fr. «Les ventes explosent, les programmes se démultiplient et les innovations se succèdent.»

«Messieurs les censeurs, bonsoir !»

En 1964, la France est présidée par le général de Gaulle, la guerre d’Algérie est finie, et, sur fond de musique yé-yé, un besoin d’insouciance s’empare d’une partie de la population. Dans cette ambiance, la mainmise de l’État sur l’ORTF est décriée. Journalistes et téléspectateurs dénoncent la censure et la désinformation.

En 1968, la France est traversée par des révoltes, entre autres d’étudiants, réclamant plus de libertés à divers niveaux. Au petit écran, peu ou pas de relais de ces faits majeurs, seules quelques images muettes autorisées par la direction de l’ORTF. Les journalistes se mettent en grève pour dénoncer l’absence de liberté d’information et la précarité de leur statut. Les grévistes sont presque tous licenciés.

En 1969, le nouveau duo au pouvoir, Georges Pompidou, Président, et son Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, entame une politique de libéralisation de l’audiovisuel, le ministère de l’Information est notamment supprimé. Mais Pompidou freine vite : «L’ORTF, qu’on le veuille ou non, c’est la voix de la France !».

L’ORTF est mort, vive la concurrence

Face au «black out» qui n’en finit pas, auditeurs et téléspectateurs délaissent les ondes étatiques pour celles «pirates». Il faut attendre 1974, et un nouveau binôme au pouvoir, pour que les lignes bougent avec Valéry Giscard d’Estaing, à l’Élysée, et Jacques Chirac, à Matignon. Ce dernier se voit confier la réforme de l’audiovisuel.

La mort de l’ORTF est annoncée à la va-vite : le projet de loi est jugé bâclé et on déplore de nombreux postes menacés. Mais le démantèlement a bien lieu au profit de sept nouveaux organes autonomes, dont TF1 et Antenne 2. La transition prend néanmoins du temps. Ce n’est qu’en 1982 que l’État français perd définitivement son monopole de l’audiovisuel…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 15/10/2020

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