Orgues et sentiments : de la Grèce antique aux… Doors !

Image extraite du documentaire «Chercheurs d'orgues» diffusé ce dimanche sur Arte © Arte/Schuch Productions

L’orgue n’est pas qu’un instrument d’église. Du baroque à la pop, il a accompagné toute l’histoire de la musique.

Quel instrument à vent, actionné par un clavier, se joue à la fois avec les mains et les pieds ? Il n’y en a qu’un : l’orgue.

Le documentaire «Chercheurs d’orgues» (Arte, ce dimanche à 17h10) est cosigné par Bernard Foccroulle. On connaît le Liégeois pour avoir été directeur à la Monnaie, mais il est d’abord organiste.

33.114 tuyaux

Êtes-vous déjà monté dans le jubé d’une église ? Derrière la façade ornementale de l’orgue se cache tout un monde. Des claviers, des pédaliers, des tuyaux, des soufflets… Le plus grand orgue du monde, à Atlantic City (États-Unis), compte pas moins de sept claviers et 33.114 tuyaux. Le plus grand de Wallonie, dans la collégiale Sainte-Waudru de Mons, affiche fièrement quatre claviers et 4.400 tuyaux.

Mais dans chaque village, dans chaque église, il y a un orgue. Et chacun a sa personnalité. L’orgue est un instrument exceptionnel car il permet de produire une incroyable diversité de sons, évoquant tantôt la flûte tantôt le clairon.

Souffle mécanique

L’orgue fut inventé dans la Grèce antique, quand l’homme chercha à remplacer le souffle humain par un souffle mécanique. Durant des siècles, l’orgue était un instrument léger et portatif, qui accompagnait les fêtes populaires. Comme en témoignent encore les orgues de Barbarie.

La grande histoire de l’orgue commence quand il s’installe dans les églises. Il accompagne l’histoire et les guerres de religions. Les spécialistes remarquent que les orgues allemands sont plus puissants que ceux du sud de l’Europe. Pourquoi ? Car ils devaient accompagner les protestants dans leurs chants, alors que l’assemblée ne chantait pas (encore) chez les catholiques. La Contre-Réforme change la donne, puis l’époque baroque donne aux orgues une intensité expressive nouvelle.

Fugues et préludes

L’histoire de l’orgue, c’est aussi celle de ses compositeurs. Ils écrivent à la fois des pièces religieuses et profanes. Sonates, toccatas, fugues, préludes… Au XVIIe siècle, on ne parle que de Frescobaldi. Après un passage à Bruxelles, ce petit génie décroche le poste d’organiste de la basilique Saint-Pierre de Rome.

En France, c’est Couperin qui marque l’époque. Il est au service de Louis XIV pour la chapelle royale de Versailles. On entre alors dans l’époque baroque avec deux compositeurs prestigieux : Jean-Sébastien Bach en Allemagne, Georg Friedrich Haendel en Angleterre.

Au XIXe siècle, il faut citer Felix Mendelssohn, mais aussi le Liégeois César Franck. La Révolution française a détruit une bonne part du patrimoine religieux, mais elle n’a pas réussi à toucher aux orgues. Pour sauver leur instrument, certains organistes n’ont pas hésité à y faire résonner des hymnes révolutionnaires.

Le son des Doors

L’orgue a toujours été l’instrument de son temps, et il continue à le prouver. Au XXe siècle, il s’installe dans les music-halls. À Paris, le Gaumont-Palace a son grand orgue depuis 1911, qui accompagne la projection des films muets. Dans les années 1930, l’orgue se fait électrique grâce à Hammond.

Il peut ainsi entrer dans les communautés religieuses qui n’ont pas le moyen de s’offrir un orgue à tuyaux. Notamment les communautés noires américaines. C’est ainsi que Count Basie, Ray Charles ou Aretha Franklin jouent de l’orgue.

L’instrument va accompagner le jazz, puis la pop-rock. Qu’auraient été les Doors sans Ray Manzarek et sa virtuosité à l’orgue ? Mais l’orgue continue d’inspirer les classiques. Olivier Messiaen, l’un des compositeurs majeurs du XXe siècle, était d’abord organiste d’église.

Cet article est paru dans le Télépro du 5/5/2022

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