Orchestre rouge : mélodie tragique
Non, tout le peuple allemand n’était pas pro Hitler comme un seul contingent nazi ! Loin de là… Parmi ses opposants : l’Orchestre rouge. Retour sur ce réseau de résistance au Führer.
Rien d’étonnant à ce que son histoire ait fait l’objet d’un film ! Les faits d’armes d’Orchestre rouge font partie des récits d’espionnage passionnant les amoureux d’Histoire. En rencontrant les descendants de certains membres de l’organisation à travers le monde, un doc à voir sur La Trois (diffusé ce samedi à 21h sur la petite chaîne de la RTBF) livre un point de vue complet sur l’épopée de ce réseau de résistants.
Business d’impers
En 1938, alors que la Seconde Guerre semble inévitable, les services secrets soviétiques chargent l’un de leurs meilleurs éléments, Leopold Trepper, de monter un réseau d’espionnage en Europe de l’Ouest. En plein été, il laisse femme et enfants pour accomplir sa mission de la plus haute importance et débarque chez nous, à Anvers puis à Bruxelles. Cette ville est bien située géographiquement et la capitale d’un pays alors relativement neutre face aux enjeux du conflit à venir. Là, il retrouve son ami de jeunesse Leon Grossvogel et lui fait part de son projet. Ils se constituent alors une «couverture» ne manquant pas d’humour : patrons d’une société de vente d’imperméables, manteau fétiche des agents secrets. Le but réel de l’entreprise : recruter des informateurs.
En parallèle, à Berlin…
De l’autre côté de la frontière, en Allemagne, tout le monde ne porte pas le Führer en estime. Mais, dans les hautes sphères du pouvoir, on est loin de se douter que l’un des plus fervents opposants au nazisme est Harro Schulze-Boysen, officier supérieur du ministère de l’Aviation. L’entourage de Harro, son épouse Libertas et leurs amis, sont farouchement opposés au régime nazi. Ensemble, ils se retrouvent souvent en pleine nature pour fomenter des actions contre Hitler et ses partisans. Ils ignorent alors tout du réseau qui se monte à Bruxelles.
Orchestre trop bruyant
Harro veut frapper fort pour anéantir la stratégie hitlérienne, coller des affiches antinazies ne suffit plus. Il décide d’alimenter les Russes en infos militaires secrètes, dont une de taille : l’invasion imminente de l’URSS par les Allemands. Trepper reçoit le renseignement et tente de le transmettre à Moscou, mais Staline refuse d’y croire. Pourtant, le 22 juin 1941, l’opération Barbarossa est lancée et le IIIe Reich envahit l’Union soviétique. Désormais, l’Orchestre rouge, toujours basé à Bruxelles, sait que Harro Schulze-Boysen est un informateur précieux. Un des membres de l’Orchestre, Anatoli Gourevitch, nom de code Kent, est envoyé à Berlin pour prendre directement contact avec Harro. Celui-ci livre à nouveau des nouvelles capitales que Kent rapporte à Bruxelles afin de les émettre en messages codés, direction Moscou. Les agents bruxellois envoient des signaux radios sans discontinuer. Trop peut-être. Ils sont repérés par le contre-espionnage allemand…
Dernier acte
À Berlin ou ailleurs dans le monde, ces résistants sont considérés par la Gestapo comme des traîtres qu’ils baptisent Orchestre rouge. L’étau se resserre. En 1942, Harro, Libertas et de nombreux membres du groupe sont emprisonnés et exécutés. Quant à Trepper, il est aussi arrêté par les Allemands, puis relâché. On le soupçonne d’avoir collaboré avec l’ennemi. À la fin de la guerre, il est rappelé en Russie et emprisonné pour haute trahison. Trepper évite l’exécution grâce à des amis bien placés et est libéré en 1955.
Héros ou traître ?
Vingt ans plus tard, dans son autobiographie, «Le Grand Jeu», il certifie avoir floué les Allemands. Il décède en janvier 1982, à Jérusalem. Pour l’historien Guillaume Bourgeois, auteur de «La Véritable histoire de l’Orchestre rouge» (éd. Nouveau Monde, 2017), Leopold Trepper s’est construit une réputation héroïque non méritée. «Arrêté par un commando allemand, il livra de lui-même les hommes et les femmes de son réseau», explique l’historien. «Il affirma plus tard avoir berné les Allemands et avoir tout fait pour les sauver mais c’est là pure invention.» Au total 102 membres de l’Orchestre ont été tués ou se sont suicidés. Leurs bourreaux n’ont jamais été condamnés…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 10/12/2020
! ! ! ! ! PHOTO 1 ! ! ! ! ! Leopold Trepper, chef du réseau d’espionnage, à la sortie de l’émission «Les Dossiers de l’écran» (Paris, 22 octobre 1974) Getty Images ! ! ! ! ! PHOTO 2 & 3 ! ! ! ! ! Les époux Libertas et Harro Schulze-Boysen (médaillon : celui-ci dans son uniforme d’officier allemand), exécutés en 1942 par le régime nazi Wikipédia-GDW/DR ! ! ! ! ! PHOTOS 4 ET 5 ! ! ! ! ! Claude Brasseur campe Trepper dans le film «Orchestre rouge» de Jacques Rouffio en 1989 DR/Prod.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici