Offenbach, le gai luron de l’opéra
Il mit en musique le gai Paris virevoltant du XIX e siècle. Maître absolu de l’opérette, Jacques Offenbach dut aussi essuyer, en son temps, de vives critiques.
Afin de célébrer le bicentenaire de la naissance du compositeur prolifique (1819-1880), Arte lui dédie un portrait foisonnant, ce dimanche à 15.35, suivi de deux de ses plus grands succès : «La Belle Hélène» (17.10) et «La Grande-duchesse de Gerolstein» (0.35).
Mais l’inventeur de l’opérette, appelée aussi opéra-bouffe, fut un musicien aussi virtuose que dissipé, dont l’ironie et la fantaisie lui attirèrent souvent des ennuis…
Jeune prodige
Né en 1819 en Prusse (actuelle Allemagne), le petit Jacob Offenbach présente très tôt des dispositions pour la musique. Il apprend le violoncelle en cachette de son père, chantre de la synagogue de Cologne. Le jeune prodige n’a que 13 ans lorsqu’il se découvre des talents de compositeur. Il interprète alors ses propres œuvres dont les difficultés techniques impressionnent son entourage.
Son père décide donc de l’envoyer au Conservatoire de Paris afin de lui assurer une carrière de soliste – l’ancienne Prusse offrant peu d’opportunités aux Juifs. Dès 1833, il se rebaptise Jacques, prénom sonnant plus «français». Mais l’adolescent peine à se plier aux exigences de l’académisme sévère du Conservatoire. Il est régulièrement réprimandé par ses professeurs pour ses farces jugées de mauvais goût. Il se fait exclure au bout d’un an.
Grâce à son talent, il intègre cependant l’orchestre de l’Opéra-Comique dans lequel il joue en parallèle de sa propre carrière. En 1847, il en devient le directeur musical et se fait connaître grâce à ses mélodies légères. Il parvient enfin, huit ans plus tard, à ouvrir son théâtre pour y produire ses propres compositions, dont son premier opéra-bouffe, l’ébouriffant «Orphée aux Enfers» (1858). C’est un succès ! Jacques Offenbach enchaîne les opérettes gaies et piquantes qui résonnent dans le Tout-Paris.
Zola l’accuse !
Mais un tel engouement attire inévitablement les critiques les plus virulentes. Comme celle d’Émile Zola, dans le journal La Tribune, en 1869 : «J’aboie dès que j’entends la musique aigrelette de Monsieur Offenbach. Jamais la farce bête ne s’est étalée avec une pareille impudence.» Plus tard, il ajoute : «Ses rires niais, ses cabrioles obscènes, sa prose et ses vers écrits pour des portiers en goguette se sont étalés un instant au milieu d’une splendeur de gala. Comme une ordure tombée dans un rayonnement d’astres. Son grand crime est de tenir trop de place, de détourner l’attention du public des œuvres graves et d’être un plaisir facile et abêtissant, auquel la foule cède !»
Offenbach fait fi de la censure. Ses opéras-bouffes sont des odes à la liberté et à la fantaisie. Il y tisse une critique acerbe et argumentée de la société de son temps, fustige l’armée et la guerre, ose les scènes d’érotisme et se moque de la coquetterie des dames. Il dut toute sa vie subir un violent ostracisme de la part de ses contemporains. Il eut cependant le mérite de révéler aux Parisiens la grâce du rire.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 26/12/2019
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