Néolithique : naissance des premières villes en Europe
Il y a six mille ans, les premières métropoles du continent voient le jour dans l’est de l’Europe.
Quelques millénaires après l’apparition de l’agriculture et la sédentarisation (vers 9.000 avant notre ère), les premières métropoles de l’Histoire sortent de terre. En Mésopotamie (dans le célèbre «Croissant fertile»), bien sûr. Mais aussi – et cela est moins connu – dans l’est de l’Europe, dans les actuelles Moldavie, Ukraine et Roumanie. Samedi (22.25, Arte), un documentaire propose une passionnante enquête archéologique sur ces «Métropoles du Néolithique», made in Europe.
C’est au nord de la mer Noire, entre la vallée du Dniepr à l’Est et la chaîne des Carpates à l’Ouest, qu’un important groupe humain s’est rassemblé il y a six mille ans. Appartenant à la culture de Cucuteni-Trypillia, ce peuple d’agriculteurs du Néolithique a fondé, ex nihilo, des métropoles florissantes de plusieurs milliers d’habitants, dont celle de Maydanets (Ukraine) – mise au jour par des archéologues soviétiques dans les années 1920 – et une près de Trinca (Moldavie). Celle-ci, l’une des plus grandes du monde préhistorique, a abrité, à son apogée, jusqu’à 15.000 occupants et 3.500 maisons ! Il faut dire que cette région de steppes forestières où poussaient frênes, chênes et ormes assurait du bois à profusion pour construire des maisons et alimenter des fours.
Une vie démocratique
«Ces populations semblent avoir mené ici une expérience de liberté et d’égalité», raconte sur Arte le préhistorien allemand Johannes Müller (Université de Kiel). «Ces paysans avaient des troupeaux et pratiquaient la transhumance, puis se sont regroupés ici.»
Ces métropoles se développent de façon étonnamment contrôlée et drainent une population abondante venue d’horizons variés. «Il devait y avoir quelque chose d’attrayant, de bien conçu», poursuit le préhistorien. «On se passait sans doute le mot. On peut s’y épanouir, seul ou en famille, côtoyer des gens venus d’ailleurs. Une vie économique s’y développe et facilite le quotidien.»
Dans cette métropole, où les archéologues n’ont retrouvé aucune trace de violence ou de conflit de propriété, les maisons, disposées en cercles concentriques et recouvertes de couleurs vives, étaient toutes aménagées de la même façon : personne n’était mieux loti que son voisin. Outre les habitations, des édifices plus grands permettaient de se réunir, de prendre des décisions ou de faire des travaux, comme le tissage.
Les habitants avaient une alimentation saine, presque végétarienne. Leurs repas se composaient essentiellement de céréales et de légumineuses (surtout des pois). Les produits animaliers ne constituaient qu’une très faible proportion de l’apport calorique. Ces hommes du Néolithique, qui maniaient le cuivre et le silex, pratiquaient l’élevage et recueillaient le fumier des animaux, utilisé comme fertilisant pour améliorer le rendement de leur cultures.
Villes abandonnées
Quelques siècles plus tard, la métropole est incendiée et désertée par ses habitants. Le mystère reste entier concernant la cause de cette fin brutale. Néanmoins, des hypothèses ont pu être écartées, comme celle de la dégradation des rendements agricoles due à l’épuisement des sols ou à l’évolution du climat, ou celle d’une épidémie.
Selon les archéologues, les habitants n’ont pas tous quitté la ville en même temps. Les incendies et les départs se sont étalés sur deux siècles. En constante augmentation, la population a sans doute fait face à des défis de taille. Dans cette ville devenue trop grande, il devenait difficile, pour cette communauté qui avait créé une société égalitaire à grande échelle, de se connaître, de se comprendre et donc de prendre des décisions collectives. Et les habitants ont, semble-t-il, préféré aller chercher le bonheur sous d’autres latitudes…
Cet article est paru dans le Télépro du 13/6/2024
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