Mystérieuses tours sardes

Entourés de cabanes aujourd’hui disparues, les nuraghes étaient parfois composés de nombreuses tours, dont la fonction est toujours inconnue © Arte
Stéphanie Breuer Journaliste

À l’âge du Bronze, un énigmatique peuple de bâtisseurs a édifié, en Sardaigne, des milliers de monuments, appelés nuraghes.

La Sardaigne, ses falaises escarpées, ses plages de sable blanc, ses eaux turquoise… et ses nuraghes ! Au centre du documentaire intitulé «Sardaigne, la mystérieuse civilisation des nuraghes» (samedi, 20.50, Arte), ces tours monumentales, disséminées sur tout le territoire de la deuxième plus grande île de Méditerranée, sont l’œuvre d’une civilisation originale, apparue il y a près de 4.000 ans, puis tombée dans l’oubli jusqu’au XXe siècle.

À l’âge du Bronze, alors que l’Égypte pharaonique bâtit ses dernières pyramides et l’Europe continentale ses derniers dolmens, une nouvelle civilisation invente, sur l’île de Sardaigne, un tout nouveau type de monument : des tours à l’allure de forteresse, appelées nuraghes (un nom à l’étymologie incertaine).

Ingénieux bâtisseurs

Environ huit mille de ces sentinelles de pierre parsèment le territoire sarde, parfois nichées dans des lieux inaccessibles au cœur de la végétation. Elles ne sont étudiées par les scientifiques que depuis le milieu du XXe siècle, lorsque Giovanni Lilliu, considéré aujourd’hui comme le père de l’archéologie nuragique, découvre le premier de ces édifices.

Si leur fonction – demeure du chef, forteresse, temple, observatoire astronomique… – reste toujours un mystère, la construction de ces centres névralgiques impressionne les chercheurs. En effet, les nuraghes (datés entre -1750 et -1200) atteignaient parfois plusieurs dizaines de mètres de hauteur et comprenaient un escalier hélicoïdal, témoignant d’une étonnante maîtrise architecturale.

Sépultures collectives

Durant mille ans, cette société dite nuragique, qui ne connaissait pas l’écriture, s’épanouit sur l’île italienne. Longtemps inconnue des chercheurs, elle a aussi construit des centaines de mégalithes funéraires qui permettent d’en savoir plus sur ce peuple sarde. Uniques en Méditerranée, ces sépultures collectives, appelées « tombes des géants » par les habitants, ont, vues du ciel, une forme en tête de taureau. Signe d’une société très égalitaire, les défunts y étaient inhumés sans distinction de sexes, d’âges et de rangs.

Après mille ans de prospérité économique, artistique et culturelle, le peuple des nuraghes semble s’effacer entre -800 et -700. Sans qu’aucune trace de violences n’ait été retrouvée, les Phéniciens, originaires des côtes de l’actuel Liban, s’installent sur l’île à partir de ce même siècle, faisant tomber dans l’oubli le peuple qui les a précédés… Près de 3.000 ans plus tard, les traces de sa splendeur passée se révèlent seulement et de nombreux vestiges restent encore à explorer pour percer les mystères de cette étrange civilisation…

Polyculture

Les fouilles des villages de cabanes organisés autour des nuraghes ont permis d’en apprendre davantage sur l’alimentation de ce peuple. Outre la culture de l’orge et du blé, celui-ci exploitait des vignobles et commerçait avec l’Afrique, en témoignent les pépins de raisins et les graines de melons retrouvés. De plus, il consommait de la viande (porc, bœuf, mouton et gibier) et cuisinait du pain, et plus précisément des focaccias ! Bref, son alimentation était saine et surtout variée.

Cet article est paru dans le Télépro du 17/10/2024

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