Mystérieuse Pétra

Le documentaire «Pétra, capitale du désert», est à voir ce samedi à 20h50 sur Arte © Arte
Stéphanie Breuer Journaliste

Longtemps oubliée, la capitale du royaume des Nabatéens, riche peuple caravanier, est un trésor architectural au carrefour de l’Orient et de l’Occident.

Tintin, Indiana Jones, Hercule Poirot… Autant de héros de fiction qui se sont aventurés dans l’antique cité de Pétra («rocher» en grec), dont Arte propose une passionnante visite (ce samedi à 20.50). Ce joyau jordanien, vieux de plus de deux millénaires, est le lieu d’expression d’un art unique mariant les styles romain, hellénistique et mésopotamien. Enrichis par le commerce de l’encens et des épices, les Nabatéens, peuple de la péninsule arabique, ont fait de cette cité du désert une ville cosmopolite et prospère, avant son annexion par Rome en 106.

Depuis une vingtaine d’années, grâce à d’ambitieuses campagnes de fouilles, son histoire émerge des sables et de la roche. À côté des centaines de tombeaux, d’un théâtre, d’un temple, d’un complexe thermal ou encore d’un monastère accessible par un escalier de huit cents marches, le monument le plus emblématique de «la Bariolée» est Al-Khazneh («le Trésor du Pharaon»). Ce tombeau d’un roi nabatéen (probablement Arétas IV), dont la façade rose mesure 30 mètres de large et 43 de haut, a été taillé autour du Ier siècle avant notre ère et témoigne du génie de ce peuple pour la construction. 

À l’abri des regards

Si la cité perdue de Pétra est restée cachée des regards du monde occidental pendant des siècles, c’est grâce à sa situation dans la région montagneuse du sud de la Jordanie. Pour pénétrer dans l’antique capitale, il faut emprunter l’étroit et sinueux Sîq («fossé»), une faille longue de plus d’un kilomètre, profonde d’une centaine de mètres et large par endroits de 3 mètres seulement et de 16 au maximum.

Dans cette gorge creusée par l’ancien cours d’eau du Wadi Moussa («ruisseau de Moïse»), les Nabatéens ont détourné le cours de la rivière en perçant un tunnel. C’est ce fameux Sîq que Johann Burckhardt, jeune explorateur suisse, parcourt, avec son guide, le 22 août 1812. Après une demi-heure de marche dans l’étroit défilé rocheux, il aperçoit une immense façade sculptée dans le grès rose. Après des siècles d’oubli, il est le premier Européen à découvrir la Khazneh, monument qui deviendra l’emblème de Pétra.

Une histoire d’eau

Isolée en plein désert, Pétra est bâtie dans un environnement rocheux et aride. Les pluies y sont rares et souvent violentes, causant des crues dévastatrices. Pourtant, grâce à leur parfaite maîtrise de la technologie hydraulique, les Nabatéens parvenaient à nourrir cette ville de trente mille âmes, et même à fournir huit litres d’eau par habitant et par jour ! En effet, les archéologues ont mis au jour un ingénieux système hydraulique, composé de barrages, terrasses, bassins, citernes et canaux taillés dans la roche, permettant de créer des surfaces utilisables pour l’agriculture. Et la ville disposait même de thermes et d’une vaste piscine de 43 mètres sur 20, agrémentée d’une île pavillon et bordée de jardins ornementaux. 

La petite sœur du désert

Bien moins connue que Pétra, l’antique cité de Hégra, ville frontière bâtie par les Nabatéens sur la route d’un commerce lucratif (encens, myrrhe…), sort peu à peu de l’ombre. Aujourd’hui baptisée Madâin Sâlih, elle est située à cinq cents kilomètres plus au sud, au nord-ouest de l’Arabie Saoudite, dans l’une des régions les plus arides du monde. Classé par l’Unesco en 2008, l’endroit fait désormais l’objet de fouilles d’envergure qui ont permis d’en savoir plus sur la petite sœur de la capitale Pétra.

À côté d’une ville d’environ 52 hectares encerclée par un rempart de briques crues, le site compte une nécropole taillée dans la roche et composée d’une centaine de tombeaux. Le style unique des Nabatéens – à savoir une association d’éléments gréco-romains, égyptiens et mésopotamiens – est reconnaissable au premier coup d’œil. La fouille de ces monuments a apporté son lot de découvertes inédites : squelettes, coffrage en bois et fragments organiques, miraculeusement préservés par le climat aride. Des trouvailles qui permettent d’apprendre que les Nabatéens momifiaient leurs défunts avant leur dernier voyage. 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 16/7/2020

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