Mystères manuscrits en mer Morte
Découvert il y a 70 ans, un inestimable trésor de l’archéologie continue à fasciner. Ce jeudi à 20h50, France 5 diffuse revient sur cette fabuleuse énigme dans «Révélations sur les manuscrits de la mer Morte».
Cisjordanie, hiver 1947. Pour trois jeunes Bédouins de la tribu des Ta’a mireh, la journée a plutôt bien commencé. Il fait beau et leurs parents les ont envoyés dans la montagne à la recherche d’une chèvre égarée. Pour eux, c’est surtout l’occasion de jouer et de se poursuivre en courant sur la falaise calcaire qui surplombe le site de Qumrân, sur la rive ouest de la mer Morte, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem.
L’endroit est désertique, écrasé sous le soleil par la chaleur, et les trois jeunes doivent faire attention à ne pas glisser : les parois sont abruptes. À ce petit jeu, le plus jeune, Mohammed edh Dhib, est le plus agile. Et lorsqu’il se trouve face à une brèche creusée dans la roche, sans hésiter, il s’y faufile : peut-être la chèvre s’est-elle cachée dans la grotte qu’il vient de découvrir ? À l’intérieur, pas de trace de l’animal, mais de grandes jarres. Mohammed vient de mettre au jour une des plus grandes découvertes archéologiques de l’histoire.
Un fabuleux trésor
Des poteries brisées jonchent le sol ainsi que des rouleaux de cuir et de tissu. Et puis il y a aussi des jarres de terre cuite. 60 centimètres de hauteur, des ouvertures de 19 centimètres de largeur : elles ne correspondent pas à celles que le jeune garçon à l’habitude de voir. Lorsqu’il retire les bouchons eux aussi en terre cuite qui les ferment, il en extrait des fragments de parchemins, de papyrus, de cuir…
«Certains membres de la tribu, ayant participé à des fouilles archéologiques quelques années auparavant, suspectèrent alors la valeur financière de ces rouleaux de cuir conservés à l’intérieur de grosses jarres d’argile», se souvient le professeur David Hamidovic, qui a participé au travail de déchiffrage de ces textes à Jérusalem.
Ils vont les vendre à un cordonnier-antiquaire de Bethléem. «Ce dernier flairant la bonne affaire se met à explorer la région à la recherche d’autres documents», relate pour sa part le professeur Aimé Fuchs de l’université de Strasbourg. «Il n’est pas le seul sur le coup : le Père Roland de Vaux, savant dominicain, directeur de la fameuse École biblique, organise pour son compte la chasse aux manuscrits.»
Les plus anciens témoins de la Bible hébraïque
Au total, ce sont plus de mille textes qui vont être minutieusement reconstitués grâce aux fragments de parchemins et papyrus. Les superlatifs manquent pour qualifier la valeur de la découverte : il s’agit des plus anciens témoins connus de la Bible hébraïque, l’Ancien testament pour les chrétiens.
«La découverte de Qumrân a été une véritable révolution pour l’étude de la Bible, du judaïsme et du christianisme», rappelle Michaël Langlois, chercheur au CNRS dans les colonnes du Parisien. «C’est une découverte exceptionnelle, qui n’a pas d’équivalent. Jusqu’alors, les manuscrits bibliques connus les plus anciens dataient du Moyen Âge».
Que trouve-t-on exactement dans ces documents ? D’abord des textes bibliques. «Émotionnellement, c’est extraordinaire de se dire que certains de ces textes ont pu passer entre les mains de Jésus, Pierre ou Paul», explique Katell Berthelot qui codirige la publication bilingue de la bibliothèque de Qumrân. On trouve aussi tous les prophètes connus (dont une vingtaine de rouleaux d’Isaïe), des psaumes et des écrits propres à la communauté de Qumrân. Notamment ceux dans lesquels il est question d’un «maître de lumière» qui devait être mis à mort «sur le bois».
La fin du monde
De quoi faire couler beaucoup d’encre et fonctionner les imaginations. Car les manuscrits écrits en hébreu, en grec et en araméen découverts dans les 275 cavités et onze grottes fouillées à Qumrân continue à faire parler d’eux. Si on ne retrouve parmi eux aucun texte du Nouveau Testament, d’autres documents découverts font encore rêver beaucoup de monde, comme le rouleau de cuivre qui fournit une liste de trésors cachés ou le rouleau de la guerre qui décrit une bataille de quarante ans entre fils de lumière et fils des ténèbres dont l’enjeu est la fin des temps… Les mystères des manuscrits de la mer Morte sont encore bien vivants.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 9/4/2020
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