Munch, un cri à la folie

Autoportrait d'Edvard Munch © Isopix

La plus célèbre toile de Munch, «Le Cri», exprime une angoisse profonde. Celle qu’a connue le peintre du premier au dernier jour de sa vie.

Si vous ne connaissez qu’un peintre norvégien, c’est lui : Edvard Munch. Et si vous ne connaissez qu’une seule de ses œuvres, c’est «Le Cri». Un tableau angoissé et angoissant qui fit de Munch le pionnier de l’expressionnisme. Mais que savez-vous de cet artiste qui flirta souvent avec la folie ? En ce moment, le musée d’Orsay, à Paris, lui consacre une expo. Et ce vendredi à 23h05, France 5 nous raconte son histoire avec le documentaire «Edvard Munch, un cri dans la nature».

Ambiance morbide

«J’étais déjà un être malade en venant au monde…», écrit Edvard Munch dans les 13.000 pages manuscrites qu’il a laissées. Né en décembre 1863 dans une petite ville de Norvège, c’est un enfant chétif que bercent la maladie et la mort. Edvard a 5 ans quand sa mère décède d’une tuberculose au terme de cinq grossesses rapprochées. Quelque temps après, sa sœur aînée succombe à la même maladie. Le père, médecin militaire, devient plus dur et plus bigot qu’il ne l’était déjà jusque-là. À 16 ans, pour fuir cette ambiance morbide, Edvard décide de devenir peintre. Il quitte la Norvège pour Paris et est vite promis à une belle carrière. En 1885, à 22 ans, l’un de ses tableaux est présenté à l’Exposition universelle d’Anvers. Il est ensuite exposé à Oslo et à Berlin. Il a tout juste 30 ans quand un premier ouvrage lui est consacré.

Le sang du cœur

Munch profite peu de son succès, car il est submergé par ses angoisses. En 1886, sa sœur cadette est internée pour «mélancolie». Elle a 20 ans, elle souffre de dépression sévère et passera le reste de sa vie en hôpital psychiatrique. Munch perd ensuite son père puis son frère, terrassé par une pneumonie un mois après son mariage. Partout, la mort rôde. «On ne peut plus peindre des intérieurs avec des hommes qui lisent et des femmes qui tricotent», écrit Munch. «On peindra des êtres vivants, qui respirent, qui sentent, qui souffrent et qui aiment. Il faut que la chair prenne corps et que les couleurs vivent.» Il écrit aussi : «Je ne crois pas à un art qui ne soit écrit avec le sang du cœur.» L’artiste décide donc d’exprimer toutes ses angoisses dans ses tableaux. Comme en témoignent «Le Cri» (1893) et son personnage fantomatique. Dans l’un des angles de la toile, une petite inscription au crayon a fait l’objet de nombreuses discussions : «Ne peut avoir été peint que par un fou.» On a longtemps cru que c’était le commentaire d’un vandale. Les analyses les plus récentes confirment que l’inscription est bien de la main de Munch.

Sous la croix gammée

Edvard Munch se sait atteint des mêmes maux que le reste de sa famille. Cela vaut pour les problèmes pulmonaires, qui le contraignent à plusieurs séjours en sanatorium. Mais cela vaut aussi pour les problèmes psychologiques… Munch comprend que la folie le guette. À tel point qu’il demande lui-même à être interné. En 1909, alors que la Galerie nationale d’Oslo lui consacre une grande rétrospective, Munch est absent pour cause d’internement. Il a 46 ans. À partir de ce moment, il se retire peu à peu du monde pour mener une existence solitaire. La vie et la mort lui réservent pourtant encore quelques douloureuses surprises. Dans les années 1930, les nazis jugent son art dégénéré. Mais lorsque Munch décède, en janvier 1944, dans la Norvège occupée, ils récupèrent sa notoriété pour lui faire des funérailles sous la croix gammée… Jusqu’au bout, Munch aura eu matière à crier.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/10/2022

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