Meyrignac, le paradis de Simone de Beauvoir

Sans Meyrignac, qui sait quelle voie aurait empruntée la jeune Simone de Beauvoir ? © Nathalie Plicot
Alice Kriescher Journaliste

Pour mieux comprendre le parcours d’artiste en tout genre, France 5 nous donne à voir les lieux qui ont marqué leur existence, ce dimanche à 22h45.

Avant l’ébouriffant tourbillon du succès, pour Simone de Beauvoir, philosophe et écrivaine française, il y eut la maison familiale de Meyrignac, près d’Uzerche, en Corrèze. Jusqu’à ses 21 ans, elle s’y ressource hors du tumulte parisien et développe son appétence pour une existence hors du commun.

Jeune fille (presque) rangée

Avec son image d’intellectuelle revêche, chignon tiré et vestiaire austère, nous pourrions éprouver quelques difficultés à nous figurer Simone de Beauvoir enfant, courant à travers champs et riant à gorge déployée, cheveux au vent.

Simone enfant © Collection particulière Martial Dauriac – DR

Pourtant, c’est dans la fougue de sa prime jeunesse qu’elle développe une passion intérieure pour la liberté, plus précisément dans le parc de Meyrignac, créé vers 1880 par son grand-père, Ernest Bertrand de Beauvoir. De sa naissance en 1908 jusqu’au début de la vingtaine, Simone de Beauvoir y passe tous ses étés avec, entre autres, sa sœur Hélène, dite Poupette, et sa cousine Jeanne. « Dès que j‘arrivais à Meyrignac, les murailles s‘écroulaient, l‘horizon reculait », écrit-elle dans « Mémoires d‘une jeune fille rangée ». « Je me perdais dans l‘infini tout en restant moi-même. »

Les belles images

Dans la douceur du lieu, les filles ont l’habitude de se lever très tôt pour « surprendre le réveil des prairies ». Le grand-père, après la lecture de son journal et un déjeuner campagnard, s’emploie à enseigner aux petites le nom des oiseaux et des arbres. L’après-midi, Ernest en proie au sommeil digestif, elles ont tout le loisir de partir en exploration, émerveillées par les kilomètres à la ronde de châtaigneraies, de champs et de landes. En dehors de cette bulle enchantée, la vie à Paris l’est beaucoup moins. Des problèmes financiers forcent les parents de Simone à quitter leur appartement cossu du boulevard Montparnasse pour quelque chose de bien plus exigu. L’amour entre le couple parental en est émaillé, ce dont Simone souffre. Heureusement, elle a toujours Meyrignac pour retrouver sa respiration.

L’invité

Cette déroute pécuniaire décide le père de Beauvoir à encourager ses filles à entamer des études poussées : « Vous, mes petites, vous ne vous marierez pas, il faudra travailler », annonce-t-il amer. Simone n’y voit pas d’inconvénient. Elle, à qui on répète à l’envi qu’elle a un « cerveau d’homme », compte bien faire usage de son intelligence. Inscrite à la Faculté des lettres de l’Université de Paris, elle rencontre de nombreux esprits géniaux, dont celui de Jean-Paul Sartre. En 1929, ce dernier est invité par Simone à Meyrignac. Mais pas question de pénétrer dans la maison, elle veut lui faire découvrir les trésors extérieurs de son coin de paradis. « Elle continue de partir le matin avec un panier garni de pain, de fromage et de fruits, cette fois pour retrouver Sartre dans les prés toute la journée », relate le site Prestiges. « C’est là qu’ils s’aimeront pour la première fois. » Ces rendez-vous secrets reviennent rapidement aux oreilles de Georges de Beauvoir qui s’emporte, craignant le déshonneur de sa fille. Pour éviter la crise, Simone rentre à Paris avec Sartre. Elle ne reviendra plus jamais à Meyrignac.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/8/2024

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici