Mata Hari, l’espionne qui éblouit le Tout-Paris
Victime innocente ou cocotte vénale, objet des espions allemands et français ? Depuis son exécution en 1917, elle a suscité questions et fantasmes. Ce lundi à 21h10, France 3 s’intéresse à son destin avec un «Secrets d’histoire» inédit.
Elle était grande, brune, avait des yeux noirs, dansait en remuant des voiles. Elle s’appelait Mata Hari. La plus célèbre des espionnes, morte il y a un siècle, méritait-elle d’être fusillée à Vincennes le 15 octobre 1917 ? Stéphane Bern tente de répondre à cette question…
Fille d’un chapelier de Leeuwarden, aux Pays-Bas, et d’une mère javanaise, Margaretha Geertruida Zelle naît en 1876. Malgré ses origines bourgeoises, elle connaît une enfance difficile avec la faillite de son père et la mort de sa mère alors qu’elle n’a que 15 ans. Jouant de sa physionomie peu commune en terre batave – très brune au teint halé -, elle devient vite une séductrice hors pair et entretient très tôt une liaison avec… le directeur de son école ! Renvoyée, elle se marie par annonce matrimoniale avec un capitaine écossais, de dix-neuf ans son aîné, alcoolique et violent. Elle le suit à Java où elle s’initie à la danse orientale et se crée son personnage de Mata Hari («Pupille de l’aurore» en malais).
Star de la Belle Époque
Le Paris de la Belle Époque la voit arriver en novembre 1903, divorcée et déterminée à percer avec une danse en hommage au dieu Shiva, relevant plus du strip-tease que de la chorégraphie orientale. Le succès est foudroyant. Elle se produit à l’Olympia, puis à Madrid, Monte-Carlo et Vienne.
Mais la trentaine passée, sa carrière périclite et la Néerlandaise rentre à Leeuwarden. En 1916, désargentée, elle rencontre le consul d’Allemagne en Hollande, qui la recrute comme informatrice. Intelligente et polyglotte, la nouvellement nommée agent H21 peut aussi circuler partout en Europe car les Pays-Bas sont neutres. À Paris, le contre-espionnage l’embauche à son tour. Les Allemands s’en rendent compte et, la jugeant désormais inutile, lui adressent des messages cryptés afin qu’elle soit confondue. C’est chose faite le 13 février 1917. Mata est arrêtée à la sortie de l’Élysée Palace Hôtel. Accusée d’intelligence avec l’ennemi en temps de guerre, elle est condamnée à mort après un court procès à huis clos en juillet 1917.
Agent double
Le jour de son exécution, provocante jusqu’au bout, elle refuse de porter un bandeau et s’adosse au poteau d’exécution. Son corps, tant admiré de son vivant, est remis à la Faculté de médecine de Paris pour être disséqué. Mata Hari méritait-elle la peine capitale ? Ou n’était-elle qu’un bouc émissaire idéal en ces temps de revers militaires ? Au vu de documents déclassifiés en 2014 et 2018, cette James Bond Girl avant l’heure était coupable. Agent double, voire triple, rien cependant dans ce qu’elle a dit ou fait à ce moment de sa vie n’aurait causé «la perte de 50.000 soldats de la Triple Entente», comme l’a soutenu l’accusation militaire française. Déjà en 1949, le procureur qui la condamna déclarait «qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat». La femme libre a sans doute payé de sa vie ses audaces, ses mensonges et ses multiples amours coupables…
Cet article est paru dans les Télépro du 14/04/2022.
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