Marquis de Wavrin : l’Indiana Jones belge qui inspira Hergé

Ses films ont aujourd'hui une grande valeur historique © DR/Wikimedia Commons/CdBRRA
Alice Kriescher Journaliste

Un documentaire de La Trois (samedi, 22.15), conte le destin peu banal d’un marquis belge, globe-trotter et cinéaste, oublié de nos manuels d’Histoire.

Il est de ces vies qui marquent leurs contemporains et moins les générations suivantes. C’est le cas de Robert de Wavrin de Villers-au-Tertre, dit le marquis de Wavrin (1888-1971). Rares sont ceux qui pourraient dire ce qui a fait sa renommée au début du XXe siècle. Pourtant, l’homme fut un ethnologue-explorateur et pionner du cinéma belge. Retour sur un personnage tombé dans l’oubli.

Tout va très mal, M. le Marquis

La première fois que le Marquis fit parler de lui, ce fut pour de sinistres raisons. Issu de la maison de Wavrin, une illustre famille noble de l’ancien comté de Flandre, Robert naît en 1888. Un matin de 1913, il aperçoit deux enfants chapardant des fruits tombés des noisetiers de sa propriété. Le sang de l’arrogant aristocrate ne fait qu’un tour : il empoigne sa carabine et tire en direction des gamins. Les malandrins sont blessés, mais le noble n’en a cure et les laisse à leur sort…

Pour ce geste, il est condamné à un an de prison. Peu disposé à exécuter sa peine, le marquis prend la poudre d’escampette direction l’Amérique du Sud. Là-bas, il remonte le fleuve Paraguay pour s’enfoncer dans la jungle et s’adonner à son passe-temps favori, la chasse. Parti pour être un notable peu appréciable, une tribu d’Indiens va néanmoins bouleverser son existence.

La fièvre de la jungle

La première expédition de Wavrin, alors fugitif, dure trois ans. Il sait cependant qu’une guerre ravage le Vieux Continent depuis 1914. Peu enclin à s’en mêler, il doit toutefois rentrer au pays pour régler sa situation militaire et judiciaire.

Chose faite, dès 1920, le Marquis repart dans la jungle. Il est cette fois muni d’une caméra prêtée par la société Gaumont, le reste de son exploration étant financé par sa fortune personnelle. «Dans l’entre-deux-guerres, il accomplit ainsi plusieurs périples au cœur de l’Amérique du Sud : Équateur, Pérou, Brésil, Colombie, Venezuela…», relate La Libre. «Il y réalise quatre films qui circulent dans de nombreux pays et sont lancés lors d’avant-premières prestigieuses, auxquelles le roi Léopold III assiste parfois».

Les images du globe-trotter sont d’une grande valeur historique, les tribus qui y apparaissent ont depuis été décimées. Ce qui frappe aussi dans ses films, c’est l’humanité dont il fait preuve lorsqu’il aborde les Indiens, fait rare pour un homme blanc en terres étrangères à l’époque…

«Quel rôle a joué la faute originelle du Marquis dans sa transformation au contact de ces Indiens ? Il ne vient pas vers eux pour les convertir à une religion, pour exploiter leurs ressources naturelles ou leur force de travail», poursuit La Libre. «Il vient en curieux, simplement. Il reste quelques semaines, ou mois, puis il s’en va. En cinéaste témoin de la vie d’autres hommes au quotidien. Ou lors de cérémonies extraordinaires dont la Tzantza, cette séance de réduction de têtes, qu’il est le premier à filmer chez les Jivaro/Shuar».

Muse d’Hergé

Une fois marié, Robert cessera son activité d’explorateur. Ses films tomberont dans l’oubli jusqu’à ce que les réalisateurs du document de La Trois découvrent ses trésors dans les archives de la Cinémathèque.

Néanmoins, un hommage lui fut rendu plus tôt par un autre illustre Belge : Hergé. Après avoir visionné l’un des films du Marquis, le dessinateur s’inspirera des aventures du marquis de Wavrin pour le scénario de l’album «L’Oreille cassée» 

Cet article est paru dans le Télépro du 31/3/2022

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